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La vie est tranquille (c) D.R. A L’ARNAQUE



Par Cyrille GUERIN


Alchimiste cinématographique peu banal puisqu'il transforme l'or en pierre, Robert From Marseille présente son nouvel opus bipartite, mi-socialo mi-bobos : La Ville est tranquille. Il y mixe comme un cinglé chargé aux somnifères quelques méga-hits de ces cinq dernières années : Fight Club (la globalisation, c'est méchant), Trainspotting (la fille d'Ascaride shootée à mort), Taxi (Darroussin et son engin) et Magnolia (chassé croisé nimbé de Janis Joplin déifiée). Un désert avec des mirages mal négociés terminant par des tonneaux. Pis, le disque est rayé et le fabricant ne veut pas le reprendre car, reconnaît-il désemparé, "je n'ai aucune solution". Fichtre, la société de subventions a encore frappé. Saloperie d'arnaque !



  La vie est tranquille (c) D.R.

Enième variation faisandée, zélée et sans ailes, sur la carlingue de la mondialisation, d'ores et déjà de sinistre mémoire, le nouveau manifeste en papier craft(berk) de Bob Guédiguian arbore un militantisme souterrain en robe de chambre et savates à carreaux. Oripeaux de fortune et de circonstance pour ce relevé de compte de faits fringué par Emmaüs - l'habit ne fait pas le moine, faut-il le rappeler ? - prêt à passer, en outre, au service gérontologie tant son auteur, depuis des années, s'évertue à bégayer, à baragouiner comme on l'cause dans l'Ouest. La Ville est tranquille prend toute sa sève, anachronique, dans une bile en état d’ébriété qu'il aurait été peut-être judicieux de tourner sept fois dans sa narration avant de nous la cracher en pleine face. Heureusement, la blanche colombe n'est guère atteinte par cette prose andropausée frite et moult fois ressassée. Sang scénaristique contaminé et sans contamination, tel est le lot de ce pétard coagulant. Car, au nom d'un laïus déplumé de toutes ses cordes vocales, de quelque vertu soi disant nitrique, le réalisateur impuissant - il le crie sur tous les toits - de Marius et Jeannette enjoint, clonant à nouveau son rituel dogme de l'échange, les spectateurs, réceptacles des mycoses dont la planète Marseille est victime et qui sont ici décrites par le menu, à parler, à se parler, à en parler. "J'expose, vous disposez", en somme.

Problème : la machine bien rodée le temps d'une fraction de revendication via Marius... en 98 se retrouve à présent encrassée, encerclée, notamment, par les stéréotypes obèses qu'elle engendre, rendue à gigoter du pouce en quête d'idées rénovatrices, d'une brèche éminemment frictionnelle. Guédiguian, dans son stop et encore mal poncé, fait écho à ces vieux communistes sanglés à leur projet sociétal sans discontinuité ni actualisation aucunes, inconditionnel qui plus est des pages saumon du Figaro. A l'adresse de l'homologue hexagonal de Ken Loach, lui aussi fossilisé, hanté par de vieux démons syndicalistes qui, à quelques cas particuliers près, ont bien du mal à embrasser la sphère cinématographique, on ne peut que stigmatiser, simultanément regretter, l’anesthésie générale que subissent les personnages de ce contestataire aphone. Certes, il y a bien dans La Ville... comme une urbanisation des corps, des décors et des fluides qui les unissent. La durée élastique de l'ensemble (2h12), presque chorégraphié dans ses rares prises de risque, n'y est certainement pas étrangère. Or, ladite cité finit vite par s'endormir sur les lauriers d'un créateur en panne, en pâmoison affamée devant le spectacle d'un monde à bien des égards privé de lumière. Une Cannebière sans houblon cocktailisée jusqu'au comas à la commisération. A l'inertie lendemain de biture. L'époque qu'opère maladroitement le cinéaste n'est pas épique. Je ne veux plus m'y frotter car elle me pique. Je ne veux plus me piquer d'elle parce qu'elle fane à perte de vue. Pétales dans la semoule.

La vie est tranquille (c) D.R.

La citoyenneté, quel que soit son visage - engagement politique ou perforation artistique -, se doit d'ôter les verrues, de neutraliser les escarres, mouches à merde. Mais La Ville... sommeille, diégétiquement meurtrie par ce que son premier magistrat de fortune combat : l'inactivité. La livraison 01 de Guédiguian se casse les épaules contre, et c'est un comble, des portes ouvertes. On imagine aisément le père de famille frustré, découragé par les agissements malséants et irresponsables de ses petites têtes blondes adorées. On le devine se contenant puis, dans une rage brûlée au millième degré, passant ses nerfs sur les chérubins. La scène désastreuse du suicide dans la moite Ville.... "Le cinéma c’est pas le lieu du pére ", pensait Serge Daney. Et d'ajouter : " A condition qu’il n’y soit pas ". Bob joue au père omniprésent. Son hyperbolisme dramatique, attribut castrateur du père, m'agace et m'agresse. Me concernant, mon père n'est plus. Je ne veux pas que son fantôme vienne m'emmerder et me sermonner dans mes lieux de perdition. Pas au cinéma...de grâce !



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