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Placebo (c) D.R. PURE LIFTING


Par Cyrille GUERIN


Precédé par une fragrance glam à faire se réveiller l'acnée rock 70's de Bowie, Placebo, le combo beau de Brian Molko, a récemment déssapé ses mélodies phaliques sur la scène convecteurisée à mort de l'Olympia. L'occasion d'un règlement de compte rédempteur avec ses détracteurs scéniques d'antan et d'un lifting de l'image dans ses acceptions les plus pittoresques.




  Institut Benjaminta (c) D.R.

Puisqu'il ne faut plus attendre bezef du septième art si ce n'est dans ses travées lars von trieriennes abrasives et ses rigoles transgressives et expérimentales de facture "Le Protegé de Mme Quing" ou bien "Institut Benjamenta", puisque le Gradus élaboré il y a maintenant cent cinq ans semble avoir rendu l'âme et déposé les armes au royaume de la sagesse léthargique (référence, entre autres, à la sélection bon enfant de chœur des dernières Rencontres Internationales à Paris au cours desquelles l'académisme pompier et, principalement, la difficulté apparente pour la majorité des films retenus à se tailler les veines, à pousser la réalité dans ses derniers retranchements incongrus ont singulièrement fait déborder le vase de l'irritation cinévore/phile), il s'agit dorénavant de partir à la conquête d'autres états fantasmatiques et oniriques où les édiles auraient pour programme le mixage des arts, un va et vient syncrétique entre différents pôles, la raillerie sans scrupule du réel. Le cinéma actuel est comme handicapé de sa fonction visionnaire, englué qu'il est dans son déterminisme catholique gras du bide à faire la morale sans outrepasser les leçons apprises pendant l'école buissonnière. Allons voir ailleurs si l'imaginaire y est meilleur.

Samedi 4 novembre 2000, quasiment un mois après la parution discographique de leur troisième collection de prêt-à-téléporter 2000, "Black Market Music", épigone convaincant du chiard pleurnichard dépassé par sa propre puberté qu'était "Without you, I'm nothing", Brian Molko and co, tête de gondole appétissante de Placebo, formation à l'androgynie fédératrice d'hétéros et de pédés par wagons pleins comme des œufs, assuraient le SAV de leur progéniture greffant un costard de plus à leur queer attitude. Résultat, une prestation flattant les tympans mais également les mirettes. Placebo bine et panse l'image tout simplement. Tout droit exhumé des pages look les plus hype de "Jalouse", le trio a toujours cultivé l'équivoque avec une élégance adolescente, donc frondeuse, propre à excommunier un styliste de Prada. Le Brian est un mystère ambulant, mué par cette désinvolture altière qui confère, tout en paradoxe filtré, à son show une dimension de brasier visuel et auditif au formalisme sauvage, soyeux et irrévérencieux. Il se viole la face, renversant toutes les vapeurs sexuelles unilatérales. Voile et vapeur. En 96, à l'écoute chamboulée du premier incendie sonore de sa formation, l'anti-songwriter opportunément dérangé du bocal - mise en bière des tourments sur sillons depuis la noyade étylique de Jeff Buckley - agitait déjà ses cordes vocales à tous les vents iconoclastes, entre une masculinité souillée et une féminité arrogante. Inclassable Molko dont le dandysme insatiable cousu par une lecture vorace et profonde de Burroughs met le feu à tous les possibles incestueux. Aussi, se rend-t-on à un tour de chant de Placebo en tentant de séparer le bon grain chansonnier de l'ivraie happening, de départager la juxtaposition des hymnes géniteurs du mythe et la sensation de défilé de mode façon Carrousel du Louvre encanaillé. Une ubiquité relativement réjouissante en ces temps de morbidité consensuelle. Placebo, assurément, met les neurones en pelote. Molko et sa bande priapique jouent à outrance de cette position calipige entre deux chaises. S'autorisant des aller-retours premiers de cordée entre musique et apparence dont il faut vraiment se méfier. Sur scène, les garnements noient le poisson des djeunes boostés à la coke et autres stupéfiants délicats venant aligner sordidement leurs tubes, ce pour mieux piétiner les plate-bandes de l'image. Voilà pourquoi Placebo appartient rythmes endiablés et allure pulpeuse au cinéma, à une configuration niquant tous les archétypes, réduisant à l'état de lambeaux les modèles, les patrons pré-établis.

Placebo (c) D.R.

Les auteurs vertigineux de "Taste in men" damnent le pion à tous ces piètres embaumeurs de la pop et des prédicats qu'elle traîne à son cul. Ils redessinent les contours d'un domaine laissé en friche par quelques petits histrions sans classe obsédés par la seule saturation de leurs instruments et l'efficacité de leurs Nike à la moindre de leurs cabrioles. Bi, Molko trace un itinéraire bis, décidant la dissidence et le bouleversement. Pas de hasard dans le décorum graphique qui tapisse presque chacun des titres du trio sur scène. Embargo sur la fatalité. Une mosaïque vidéo parfois maladroite, certes, de ce à quoi la vie devrait ressembler. Ici, un type bedonnant courant en slibard et sans complexe sur la chaussée nocturne en pleine heure de pointe ou bien une Divine plus excrémentielle que nature (hommage conjectural à John Waters), là un fonctionnaire kafkaïen passant au presse papiers des ramettes entières de feuilles vierges (message absurde pour refaire bander les écolos en berne). Fusion du futile nécessaire et du propos politique si orphelin en cette période de je m'en outisme global qu'il ne peut être récupéré que par une nouvelle donne artistique. "Placebo parleur", titrait Libé promouvant "Black Market Music". Placebaume au cœur, pourrait-on continuer tant il est vrai que compte l'avis de Brian.



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