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Puisqu'il ne faut plus attendre
bezef du septième art si ce n'est dans ses travées
lars von trieriennes abrasives et ses rigoles transgressives
et expérimentales de facture "Le Protegé de
Mme Quing" ou bien "Institut Benjamenta", puisque le Gradus
élaboré il y a maintenant cent cinq ans semble
avoir rendu l'âme et déposé les armes
au royaume de la sagesse léthargique (référence,
entre autres, à la sélection bon enfant de chœur
des dernières Rencontres Internationales à Paris
au cours desquelles l'académisme pompier et, principalement,
la difficulté apparente pour la majorité des
films retenus à se tailler les veines, à pousser
la réalité dans ses derniers retranchements
incongrus ont singulièrement fait déborder le
vase de l'irritation cinévore/phile), il s'agit dorénavant
de partir à la conquête d'autres états
fantasmatiques et oniriques où les édiles auraient
pour programme le mixage des arts, un va et vient syncrétique
entre différents pôles, la raillerie sans scrupule
du réel. Le cinéma actuel est comme handicapé
de sa fonction visionnaire, englué qu'il est dans son
déterminisme catholique gras du bide à faire
la morale sans outrepasser les leçons apprises pendant
l'école buissonnière. Allons voir ailleurs si
l'imaginaire y est meilleur.
Samedi 4 novembre 2000, quasiment un mois après la
parution discographique de leur troisième collection
de prêt-à-téléporter 2000, "Black
Market Music", épigone convaincant du chiard pleurnichard
dépassé par sa propre puberté qu'était
"Without you, I'm nothing", Brian Molko and co, tête
de gondole appétissante de Placebo, formation à
l'androgynie fédératrice d'hétéros
et de pédés par wagons pleins comme des œufs,
assuraient le SAV de leur progéniture greffant un costard
de plus à leur queer attitude. Résultat, une
prestation flattant les tympans mais également les
mirettes. Placebo bine et panse l'image tout simplement. Tout
droit exhumé des pages look les plus hype de "Jalouse",
le trio a toujours cultivé l'équivoque avec
une élégance adolescente, donc frondeuse, propre
à excommunier un styliste de Prada. Le Brian est un
mystère ambulant, mué par cette désinvolture
altière qui confère, tout en paradoxe filtré,
à son show une dimension de brasier visuel et auditif
au formalisme sauvage, soyeux et irrévérencieux.
Il se viole la face, renversant toutes les vapeurs sexuelles
unilatérales. Voile et vapeur. En 96, à l'écoute
chamboulée du premier incendie sonore de sa formation,
l'anti-songwriter opportunément dérangé
du bocal - mise en bière des tourments sur sillons
depuis la noyade étylique de Jeff Buckley - agitait
déjà ses cordes vocales à tous les vents
iconoclastes, entre une masculinité souillée
et une féminité arrogante. Inclassable Molko
dont le dandysme insatiable cousu par une lecture vorace et
profonde de Burroughs met le feu à tous les possibles
incestueux. Aussi, se rend-t-on à un tour de chant
de Placebo en tentant de séparer le bon grain chansonnier
de l'ivraie happening, de départager la juxtaposition
des hymnes géniteurs du mythe et la sensation de défilé
de mode façon Carrousel du Louvre encanaillé.
Une ubiquité relativement réjouissante en ces
temps de morbidité consensuelle. Placebo, assurément,
met les neurones en pelote. Molko et sa bande priapique jouent
à outrance de cette position calipige entre deux chaises.
S'autorisant des aller-retours premiers de cordée entre
musique et apparence dont il faut vraiment se méfier.
Sur scène, les garnements noient le poisson des djeunes
boostés à la coke et autres stupéfiants
délicats venant aligner sordidement leurs tubes, ce
pour mieux piétiner les plate-bandes de l'image. Voilà
pourquoi Placebo appartient rythmes endiablés et allure
pulpeuse au cinéma, à une configuration niquant
tous les archétypes, réduisant à l'état
de lambeaux les modèles, les patrons pré-établis.

Les auteurs vertigineux de "Taste in men" damnent le pion
à tous ces piètres embaumeurs de la pop et des
prédicats qu'elle traîne à son cul. Ils
redessinent les contours d'un domaine laissé en friche
par quelques petits histrions sans classe obsédés
par la seule saturation de leurs instruments et l'efficacité
de leurs Nike à la moindre de leurs cabrioles. Bi,
Molko trace un itinéraire bis, décidant la dissidence
et le bouleversement. Pas de hasard dans le décorum
graphique qui tapisse presque chacun des titres du trio sur
scène. Embargo sur la fatalité. Une mosaïque
vidéo parfois maladroite, certes, de ce à quoi
la vie devrait ressembler. Ici, un type bedonnant courant
en slibard et sans complexe sur la chaussée nocturne
en pleine heure de pointe ou bien une Divine plus excrémentielle
que nature (hommage conjectural à John Waters), là
un fonctionnaire kafkaïen passant au presse papiers des
ramettes entières de feuilles vierges (message absurde
pour refaire bander les écolos en berne). Fusion du
futile nécessaire et du propos politique si orphelin
en cette période de je m'en outisme global qu'il ne
peut être récupéré que par une
nouvelle donne artistique. "Placebo parleur", titrait Libé
promouvant "Black Market Music". Placebaume au cœur, pourrait-on
continuer tant il est vrai que compte l'avis de Brian.
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