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Le Lait de la tendresse humaine (c) D.R. CIRCULATION PERTURBEE



Par Gilles LYON-CAEN


En multipliant des bribes d’histoires (ancrés dans un réel de faits divers sordides), certains cinéastes lâchent littéralement les brides de leurs films. Dans Le Lait de la tendresse humaine de Dominique Cabrera, le personnage (Christelle) délaisse soudainement, baby blues oblige, son bébé et boit la tasse, sommé de se taire. Son silence, sa disparition, sa mise à l’écart du film permettent d’enclencher le défilé : lancer son entourage à sa recherche ; enquête systématique à travers un réseau de connaissances, panel de visages, d’acteurs et de guests déambulant dans les chemins que traverse ce film-choral embryonnaire. Si " tout le monde a ses raisons " (selon l’aphorisme de Renoir), en revanche Christelle, dans sa fuite, n’en a aucune. De ce non-sens découle Le Lait…de la bêtise humaine, quand une chorale de personnages doit justifier l’acte infantile et capricieux (insensé, donc) de Christelle. La démultiplication de silhouettes perpétue plus son absence qu’elle ne la clarifie. Et les chromes verdâtres, signe d’impuissance, creusent l’ensevelissement du personnage.


 

  Betty Fisher (c) D.R.

Dans Betty Fisher et autres histoires, Claude Miller opère le même effet de choral faussement réglée et une négation des personnages identique. Le traitement du petit José, projeté dans les pattes d’une mère morfondue dont le fils vient de mourir, devient l’objet de refus de la mère et le lieu de rejet du cinéaste : laissé seul devant une télévision qui relate la genèse de sa disparition, il sert autant d’instrument au fait divers que de miroir sans tain d’un film qui n’a jamais vraiment lieu. Dans Le Lait… et plus encore dans Betty Fisher…, l’attention portée aux images et médias (la presse écrite, le JT du soir) témoigne d’une croyance aveugle dans le fait divers, dans sa plus naïve retranscription. C’est la lecture méthodique du quotidien (Betty Fisher) pour légitimer le caractère actuel, social du fait divers ; c’est la voisine de palier qui héberge Christelle (Le Lait…) et détient la vérité ; c’est le serveur du café du coin qui se fait justice (Betty Fisher), pour légitimer les petites gens. Ce chassé-croisé rend caduque la spécificité du personnage : pour Christelle et Betty, on procède à l’effacement, au gommage du caractère. On le noue (dans le récit), on le noie (dans la foule) pour mieux le nier.

Un basculement a eu lieu, entre la demande du fils à sa vraie mère (" Est-ce que tu es ma vraie maman ? ") dans Comédie de l’innocence de Raoul Ruiz, et la banale monstruosité de Betty Fisher, qui s’approprie un enfant après l’avoir dénigré : place à été faite à la filiation par vanité, à la transmission par nécessité. Selon Claude Miller, Betty s’est battue pour renaître : elle peut s’enfuir la tête haute en volant un enfant. Pour elle comme pour les parents du Petit Poucet, d’Olivier Dahan, la négation de l’autre (l’enfant) procède de la même sorte : l’élevage dans la clandestinité, la survie dans l’ enfouissement. Maltraite des enfants, maltraite des personnages : dans ces films, les parents (les cinéastes) fuient et nient leur progéniture. Ils fabriquent de la non-communication.



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Le Lait de la tendresse humaine
de Dominique Cabrera (2001)
Betty Fisher et autres histoires de Claude Miller (2001)
Le Petit Poucet d’Olivier Dahan (2001)