Et une, et deux victoires... pour la Une.
"Vingt cinq millions de téléspectateurs,
vous avez été vingt cinq millions de téléspectateurs
à suivre la finale France-Italie". Ce couplet
agrémenté à toutes les sauces de l’autosatisfaction
a été claironné par les membres troncs
du staff TF1 au lendemain de la victoire cul-bordée-de-spaghettis
des Bleus sur la Squadra Azzurra en conclusion de l’Euro 2000.
Azur, couleur du lagon audimétrique dans lequel la
chaîne de Bouygues qui, des liminaires de ce match historique
aux vespérales d’icelui, a battu son record de couverture
événementielle en apnée.
|
Ensablons la retransmission de la confrontation
laquelle, scotchée à des canons télévisuels
bien que de plus en plus gourmands dans les nouveaux dispositifs
sollicités n’en sont pas moins anorexiques dans leur
manifestation visuelle, fut implacablement plate. C’est dans
les vestiaires qu’il convenait d’aller fourrer son museau
ce lundi 3 juillet de l’an de graisse cathodique 00. Mettre
la main sur cette substance, cet opium que TF1 a offert en
toute légalité au bon peuple contemplatif au
bord de l’anévrisme admiratif, de l’arrêt cardiaque
idolâtre. L’opium procure certes du plaisir mais n’ôte
en rien les névroses et les angoisses de chacun. Les
caciques de la Une l’ont bien compris qui, depuis des lustres,
alimentent l’apathie philosophique, la léthargie formelle.
Ces deux éléments fonctionnant conjointement
en une parfaite et troublante gémellité.
|
 |
|
|
Le caractère unique et résolument
exceptionnel de l’ambiance engendrée par le 3 à
0 du Duo Zidane-Petit couchant les Brésiliens sur la
civière il y a deux ans justifiait alors une telle
outrance des caméras, à l’image de l’euphorie
des Blacks-Blancs-Beurs se réappropriant tous à
leur manière le drapeau tricolore, un symbole identitaire
sénil. On sentait une émotion réelle,
une joie spontanée. Vingt-quatre mois plus tard, suite
à une expérience qui de la fenêtre purement
footballistique fut reconduite - il convient de l’admettre
- aux forceps, il ne reste rien. Si ce n’est un saccage, une
profanation. Celle de notre for intérieur où
l’on a soigneusement rangé les souvenirs de 98. Méchanceté
flasque de la télé lorsque, l’occasion sportive
et ses wagons de bon esprit fabriqués faisant le larron,
elle se met en tête de photocopier l’ataraxie.
Or, en ce début d’été
00, tout conférait à la reproduction routinière,
au déjà vu épuisant. À l’irrévérence
visuelle. Aussi bien sur le terrain stabilisé de la
sémiologie de circonstance que sur celui de la technique.
Sur le petit écran, un second épisode bien morne,
excessivement terne de l’épopée des Bleus a
été donné. Opus atone parce que menotté
le dimanche soir aux plans reprisés et inertes d’un
car roulant vers le 2-1 capturé par une caméra
voyeuse et comme réquisitionnée à une
quelconque gendarmerie; parce que déteint le lundi
après-midi par des commentaires asthmatiques, plus
performatifs que s’efforçant de magnifier cette belle
histoire; parce qu’aux prises avec un scénario de fossoyeurs
déshumanisés par les images qu’ils mettent en
bière aussitôt après les avoir (mal) éduqués.
Alternance de procédés rhétoriques scolaires,
étalage de pas grand chose, esquisse de rien : ce 3
juillet, l’image de TF1 était brouillée, imitant
ou parodiant les deux mains d’Emmanuel Petit et Agathe de
Lafontaine, futurs époux se frôlant, se cherchant.
L’essentiel était visiblement de marquer des buts dans
les filets de Médiamétrie, ce sans jamais toucher
le ballon, en survolant négligemment le message.
 |
|
|