GÉGÉ
ET SES PETITES
CONTRARIÉTÉS Gérard Holtz
au 13 heures de France 2
Par
Cyrille GUERIN
"De l'histoire ancienne" est un très
beau film, une œuvre indispensable, voire un M.O. , un Méchant
Organisateur - un troublemaker de notre société
bordélique moins.com qui, et les symptômes sont
pléthoriques, n'en finit pas de nous foutre les boules,
de nous paniquer. Le film d'Orso Miret représenterait
donc une charte éthique couplée à une flamboyante
mise en garde. "ça va mal finir", bougonne, de dos, le
ténébreux protagoniste de ce brillant premier
long-métrage. Après quoi, ce héros, incarnation
gracquienne greffée sur pellicule, mettra le feu à
une librairie frontiste. Puisque, et parce que c'est écrit
dans nos consciences citoyennes chagrines, ça va effectivement
très mal finir, il est de notre devoir de taper là
où ça fait mal, là où l'injustice
se répand comme une traînée de poudre. C'est
aujourd'hui au tour du sémillant Gérard Holtz
d'en prendre plein la gueule. Son crime : être homosexuel
? Non : participer à l'hémorragie d'audience de
sa chaîne, France 2, depuis qu'il a pris les commandes
affolées question audimat du JT de 13 Heures. Va y avoir
du sport !
La scène se déroule place
d'Italie dans le 13ème à Paris, il y a quelque
10 ans. Gérard Holtz, présidant alors aux destinées
de Stade 2, est à ce moment précis de son existence
hors caméra. Pas On Air. Pour lui, les chiffres sont
bons. Certes, face à son équipe de chroniqueurs
fin prêts pour la maison de retraite, le "Sept sur sept"
d'Anne Strauss-Kahn -souvenez-vous de ces temps lointains où
à l'heure du dîner dominical, la France se passionnait
pour des sujets autrement plus intelligents que l'idylle en
direct live de deux têtes-à-claque en mal de reconnaissance,
damnait largement le pion à l'émission mythique
du service public. Pour Gégé, les résultats
n'étaient alors qu'un souci mineur. Pourtant, le futur
entraîneur du journal de 13 heures, était là,
blotti contre une amie, je suppose, pleurant à s'en décoller
les rétines. Ben oui, amis beaufs, même les célébrités
cathodiques et leur salaire indécent de fin de mois chialent.
A quoi était due cette crise lacrymale, nous ne le saurons
pas. Toujours est-il que ça remet quelque peu en question
votre propre grille d'évaluation des stars télé,
entre autres. Aujourd'hui, je n'ose imaginer l'état dans
lequel doit évoluer le même Gérard Holtz.
Vous savez celui qui a bâti une bonne partie de sa carrière
sur quelques bons sentiments myopathes et géniques. Celui
que l'on méprise pour ses sollicitations pécuniaires
incessantes, ou bien pour son esprit sportif généreux
- ce même esprit qui, bande d'ingrats, vous a fait descendre
sur les Champs Elysées par millions il y a trois ans.
Il est tellement plus aisé de se moquer d'êtres
virtuels, planqué devant son récepteur télé
tels des snippers armés d'une mitraillette, que d'apostropher
le SDF qui, jour après jour, vient nous faire chier dans
le métro, dans la rue. Gérard Holtz est un SDF.
Bientôt un SF, un Sans Fauteuil, si l'on s'en tient aux
infos relevées dans "Libération " du 7 mars 01.
Depuis son arrivée à la présentation
du 13 heures de France 2 en septembre 2000, Gégé
a beaucoup de peine à relever le niveau audimatique de
l'édition de la mi-journée. Pis, il vient de battre
le record du plus grand écart entre les deux programmes
concurrents de la journée, le sien et celui de Pernault
sur TF1. Avant lui, différentes formules ont laissé
des plumes dans cette discipline apparemment périlleuse.
Patrick Chêne, notamment, lui aussi ex-chef d'orchestre
de "Stade 2" à dû mettre pied à terre. Comme
à l'accoutumée, on invoque un conducteur maladroit
(le conducteur agence les reportages), un décor has-been.
On prend les mêmes et on recommence. La cohésion
de l'ensemble, et ce n'est pas complètement inexact,
est comme d'hab' citée en correctionnelle. Mais pour
Gérard Holtz, un autre paramètre fait office de
feu rouge, celui de l'image. Les différents membres de
la rédaction, c'est de bonne guerre, se renvoient la
patate chaude d'une audience qui se tasse sérieusement.
Personne ne voulant reconnaître une éventuelle
carence professionnelle dans le traitement des infos, dans l'esthétique
des reportages à côté desquels ceux proposés
chez Pernault passent pour de véritables tableaux d'orfèvre,
c'est sur le dos de la vedette exposée aux quolibets
et aux critiques que l'on préfère facilement casser
du sucre. Gégé serait donc trop assimilé
au caractère sportif sur lequel il a construit son parcours
(olympique). ça lui colle aux baskets. Raisonnement avarié
si l'on tient compte d'un Ardisson que l'on aurait cru bien
incapable de mener, de main de maître, un JT culturel
quotidien, il y a encore cinq ans. En fouillant dans nos archives
personnelles, on retrouve néanmoins une trace de Télé
zèbre" testé et éprouvé par le même
Ardisson il y a dix ans sur Antenne 2. Là encore, échec,
le spectateur (très) moyen ne voulant voir en Ardisson
qu'un night-clubber abonné, à vie, aux talk-shows
sous acides. Il n'y aurait donc que sur le câble, cette
manne à élites, que la gent télévisuelle
pourrait se refaire une santé, une image. Carmouze le
montre soir après soir. Il est un exemple luxuriant de
cette théorie de snob que je partage. Le snob que je
suis vous ... au passage. Votre mauvaise foi me fait doucement
rire.
Regarde un peu la France de Voltaire,
de Rousseau, de Villon. Regarde un peu cette pauvre France
en errance perpétuelle, donneuse de leçons qui
s'apprête à rémunérer... les bénévoles.
Regarde un peu cette France de l'oxymore (occis-mort) apprise
sur les bancs de la fac et désapprise après
les études. Rance O' France qui, pour faire plaisir
à son prof de grammaire, accepte momentanément
qu'un nain puisse être grand, qu'un blanc puisse être
noir, qu'un aveugle puisse voir, qu'un pédé
puisse être hétérosexuel, qu'un journaliste
sportif puisse causer de politique. Dure France qui, en devenant
adulte, s'enfonce misérablement dans le systématisme.
Exécrable France qui, ce 7 mars, n'aura vu dans les
yeux de Gérard Holtz que des larmes de crocodile capricieux,
qu'un visage blasé, là où, dans un regard
profondément triste et orphelin, elle se devait de
voir une détresse. Cette pauvre France-là, celle
qui est tant attachée à son service public,
n'avait alors d'yeux, à treize heures, que pour Pernault
et sa haine de la vie. ça va mal finir !