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Francis Ford Coppola (c) D.R. LOFT CROISETTE #1
Eyes Wild Shut
Par Cyril JOHANNEAU


Lorsque Canal+ annonce vouloir se recentrer sur le cinéma à l’occasion du 54è Festival de Cannes, nous pouvons dores et déjà y croire. Fini l’invasion de la plage du Martinez et son luxueux bordel. Désormais, la Croisette est en duplex. Et Thierry Dugeon, tel Benjamin Castaldi, suit de son studio parisien les péripéties de ses candidats co-animateurs, qu’il annonce, commente et relie entre eux. Professionnel et frustré.


11 candidats, Axelle, Maurice, Agnès, Ariel, Guermaine, Frédéric, Gentiane, Perrin, Alain, Isabelle et Philippe, entièrement coupés du monde dans un Festival de plusieurs mètres carrés, avec caméras et micros. Dans douze jours ils ne seront plus là.

  Mademoiselle Agnès (c) D.R.

La vraie trouvaille de ce casting est sans aucun doute Mademoiselle " c’est peut-être con ce que je vais dire " Agnès, qui, une fois encore, réussit le tour de force de prouver que " c’est con ce qu’elle va dire " mais le dit quand même. Festival International oblige, elle s’est mise à l’anglais. Là, cette année, voire ces dernières heures. Mais, pas n’importe quel anglais. Anglais, option rudimentaire, méthode copier-coller. Certainement pressée par le temps, elle s’est, de plus, contentée d’apprendre à le parler. Pas le comprendre. Si bien que quand elle croise Savion Glover, concepteur du spectacle de claquettes de la cérémonie d’ouverture, à qui elle demande " Do you know Fred Astaire ? " (notez la fulgurance de la question : je vous avais prévenus, " entièrement coupée du monde " !), et qu’il lui répond " I don’t know him personally ", elle conclut par : " Il parle un p’tit peu slam (argot), et mon anglais n’est pas au point ". Phénoménal. Elle enchaîne les " are you impressionné ? " et les " could you présente us ? ", fruits, à n’en pas douter, d’un labeur de plusieurs heures. Pour preuve, lorsque Thierry Dugeon lui demande de s’enquérir de savoir si c’est bien lui qui a joué dans le dernier Spike Lee, elle répond elle-même : " ouais, ouais, c’est bien lui ". Là, elle savait plus : elle avait pas préparé, elle lui posera la question plus tard, un jour. Je vous explique, il faut d’abord qu’elle recherche chacun des termes dans le dictionnaire pour ensuite les assembler. Et, en plus, il n’y a personne pour l’aider. Alors, c’est long et le résultat est souvent cahin-caha. Par exemple, ça donne : " have you bring some wine ? ", quand elle se prend d’interroger Coppola. Parce qu’ils ont eu beau lui dire de se recentrer sur le cinéma, Coppola pour elle c’est pas du cinéma : elle le connaît seulement pour l’avoir vu dans Voici, photographié au milieu de son vignoble. Et c’est déjà une aubaine. Nonobstant, le Monsieur répond courtoisement. Mais, à nous de nous débrouiller pour comprendre. La réponse obtenue, notre chère Mademoiselle Agnès tourne les talons et ponctue d’un " Voilà ! " Rendez-vous l’année prochaine (si tout va bien) pour la traduction.

Ensuite, elle croise Charlotte Gainsbourg. L’occasion de mesurer, une fois de plus, à quel point elle est coupée du monde. Dans son monde, en fait. Bon, c’est sûr que dans le genre disert et loquace, elle aurait pu mieux tomber. Quoiqu’il en soit, tous les efforts faits pour parler une langue (française) intelligible tombent aussitôt à l’eau, laissant place à de vieux relents de langue maternelle, sorte de protolangage inachevé compris de quelques rares spécialistes et dont je tente une retranscription : " ouais, mortel ! et Charlotte porte un superbe haut Balanciaga ". Décidément trop abscons. Le cinéma entre torchons et serviettes…

Thierry Dugeon (c) D.R.

Pour autant, abstenons-nous de juger lapidairement cette fausse jeune quadra vraie has been vulgaire, alors qu’elle n’est qu’un des rouages du bien nommé spectacle quotidien Nulle Part Ailleurs. Car, finalement, elle n’a rien à envier au passeur de plats Thierry Dugeon, dont la sensibilité cinéphilique et les compétences critiques en la matière confinent au sublimissime, comme peuvent le prouver la justesse et la pertinence de ce commentaire (délivré en janvier dernier pour la sortie du Pacte des Loups) : " tournage beaucoup plus long que prévu, à peu près 3500 plans dans le film, beaucoup d’effets spéciaux, des ralentis à la Matrix, la caméra presque toujours en mouvement, énormément de fondus enchaînés ". Soit ! Aujourd’hui, rassurez-vous, il n’est pas en reste. Midinette effarouchée lorsque Nicole Kidman apparaît à la montée des marches, il ne peut retenir un " c’est du délire " et de conclure, en apercevant le réalisateur de Moulin Rouge, Baz Luhrmann : " on dirait Val Kilmer en vieux ". Je patauge ! Le cinéma par des spécialistes, c’est vite in-com-pré-hen-sible.

Ceci dit, Nicole peut être reconnaissante envers T.Dugeon qui semble le seul à faire cas de sa présence. Eclipsée, presque ignorée. Elle accepte de répondre aux questions les plus surréalistes : " Dans Moulin Rouge, vous jouez une danseuse, une prostituée, dans la vie vous êtes actrice, quel(s) point(s) commun(s) voyez-vous entre les deux ? " Loana plane au-dessus de Cannes. Loana la danseuse, Loana la strip-teaseuse. Loana-couche-toi-là. Loana dans tous les esprits, Loana dans toutes les piscines. Loana fait de l’ombre aux stars du Festival de Cannes.

Loana et Jean-Edouard plus forts que Nicole et Tom. On a tout su, on n’a rien vu. Les yeux grands fermés. Qui pourrait bien aussi être le titre du film que Canal+ s’apprête à faire tout au long de ce 54è Festival de Cannes…