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L'Exorciste (c) D.R. LOFT CROISETTE #3
L’apocalypse, toujours
Par Cyril JOHANNEAU


Troisième jour de Festival et le sentiment de plus en plus prégnant que ces gens sont coupés du monde. Ils intéressent peu, peu s’y intéressent. Les informations nous parviennent difficilement. Il faut aller les chercher.

Je quitte ma connexion au loft, il est 19h. Pour leur nouveau défi, nos amis répètent une scène de La Vérité Si Je Mens. De mon côté, je répète les mêmes gestes qu’hier. Et avant hier. La même erreur.

  Loft Story - Loana (c) D.R.

Il ne me faut pas cinq minutes pour renoncer à Nulle Part Ailleurs : j’irai voir ailleurs. Ce soir, c’est vendredi et je caresse l’espoir d’une promenade nocturne sur la Croisette aux bras de Micheline. Il me faudra y renoncer, aussi. Point de Croisette pour Micheline. Nonobstant, me consolé-je en la voyant se dandiner et tournicoter sur sa chaise haute. Le sourire est rose pâle, assorti à sa veste similicuir. La sélection de la semaine ne dénote pas : pâlotte, aussi. Entre une Chevauchée avec le diable et Le Masque de l’Araignée, Micheline nous conseille quand même (son) Coup de Peigne. Je comprends sans mal qu’elle a dû en être bouleversée. Ce film, elle aurait pu l’interpréter. Elle aurait pu l’écrire. Coup de Peigne, c’est un peu le drame de sa vie. Celui qu’elle rejoue chaque jour, inlassablement. Celui qui, semaine après semaine, fait de Bouche à Oreilles un documentaire capillaire. Un défi à Jean-Louis David. Un pied de nez à L’Oréal. Mais, elle le vaut bien.

Fou, en pétard ou sculpté par l’oreiller, son cheveu raconte à sa manière l’histoire du cinéma. Et, en filigrane, la palette des émotions qui la traverse. De L’arrivée du train… des frères Lumière à L’Exorciste, de Eraserhead à Mary à Tout Prix (vivelle en spray, vivelle en sperme), de Tex Avery à Hairspray en passant par Hiroshima, mon amour, son brushing est tour à tour un film catastrophe, une comédie déjantée, une épouvante ou un drame nucléaire. Mieux que toutes les notes, étoiles et autres cœurs qui calibrent les films dans les magazines ciné, il nous indique avec précision la tendance des films de la semaine et l’enthousiasme de Micheline. Cette semaine, elle s’est brossée : c’est tout raplapla. Pas une mèche ne dépasse.

Moulin Rouge (c) D.R.

Pas une plume du Moulin Rouge, pas une marche du Palais. Non plus. De la désertion de Canal+, personne ne profite. Aucune chaîne hertzienne sur le front des festivités : Cannes se résume en 3 minutes à la fin des JT. Soit ! Je me tourne donc vers la télévision de service public à vocation régionale et son journal du soir, le bien nommé Soir3.

Et qu’apprends-je que je ne sache déjà ? Peu. Des visages souriants et muets se prêtant aux caméras, aux photographes. Des stars. Furtives. Nécessairement, en bonnes stars. Toutes là pour Apocalypse Now Redux. A ce moment précis, un drôle de vertige m’envahit… et s’il n’y avait que Coppola et sa palme d’or remaniée, cette année, à Cannes ? Ça fait trois jours qu’on n’entend que ça, qu’on ne voit que ça. Trois jours que Cannes se pâme devant sa palme plus : plus de scène, plus d’hélicos, plus de spectacle, plus de musique, plus de trois heures, plus de deux jours pour s’y préparer, combien pour s’en remettre ? à suivre…

Néanmoins, j’apprends qu’aujourd’hui on pouvait voir Lou Doillon faire sa starlette sur la plage. Le reportage devient intéressant en raison, non pas de son commentaire n’omettant pas de signaler la présence concommitante au Festival de Jane (Birkin) et Charlotte (Gainsbourg), mais en raison de trois plans de même nature que d’aucuns qualifieraient de répétitifs et gratuits, que pour ma part je trouve fort instructifs et cruciaux. Par trois fois, l’auteur du reportage focalise la chute des reins de Lou, dévoilant ainsi la dentelle de ses dessous chics débordant la ceinture de son Jean’s. Et, ce qui est crucial, ce n’est pas tant d’apprendre que Lou Doillon porte des strings (encore que…), non… c’est de s’apercevoir qu’un string, à Cannes, au bord de la mer, l’immense mer, ne reste qu’un string au bord de la mer face à Loana dans une piscine (avec Jean-Edouard). Et la télé se donne bien du mal pour insuffler du rêve, de la magie, du fantasme, du cul à ce Festival.

  Isabelle Motrot (c) D.R.

Mais, s’agissant d’introduire du cul, Canal+ préfère encore la méthode du rentre dedans. Ici, point de frou-frou ni de fausse lolita. Pas le genre de la maison. Non. Ici, c’est star du X et Hot d’or. car, Cannes c’est aussi la grande fête du cinéma porno. L’occasion pour Ariel de nous le rappeler en allant accueillir, en gare de Cannes, à la descente du train Ovidie. Actrice et réalisatrice. Ne pouvant bien évidemment pas lui dérouler tapis rouge et marches du Palais, il est venu avec son orchestre ambulant, en l’espèce le Taraf de Haidouk. Véritables papy-stars de la musique tsigane, le Taraf est à n’en pas douter l’événement cannois du jour. Découvert, sur la chaîne cryptée, à ce moment précédent le renoncement, je les revois le soir tard sur la chaîne régionale. Sur le marché, la plage, la promenade ou sur le carrousel, ils font résonner leurs instruments avec une énergie communicative. Le sujet sur Cannes et son Festival leur est consacré aux 2/3. Vu d’ici, ça fait plaisir : enfin des gens qui s’amusent à Cannes.