Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
Sonic (c) D.R. SEMELLES LIKE TEEN SPIRIT
Par Nicolas CHEMIN


Sur le petit écran s’est épanchée, ces derniers mois, l’arrogance manipulatrice d’un spot promotionnel EDF. On y scrutait, à travers l’œilleton tendance de la techno-esthétique, la colonisation d’un espace vierge par la dérive constructiviste moderne. Dans une fulgurante compression de l’instant, les blocs de béton s’empilaient, les lumières se reproduisaient, l’immobilier proliférait. Les maisons, les buildings et les ponts pullulaient, fruits d’une infinie copulation entre nature et progrès. Puis l’accroche publicitaire tombait, péremptoire : Game Over, vous n’avez pas respecté l’environnement.

  Pacman (c) D.R.
Derrière l’hypertrophie démagogique de l’objet reste tapie, essence du marketing, une conscience aiguë de l’époque. Car ce jeu virtuel, étirant à l’extrême ses limites spatio-temporelles pour les besoins gigantistes de la télégénie, s’inscrit sans gêne dans notre paysage culturel en perpétuelle fin de cycle, cherchant dans le concept une échappatoire à l’épuisement des formes ludiques. Pacman et Sonic ont vécu, semblait affirmer Simcity, simulation urbaniste du siècle dernier ayant inspiré les concepteurs du spot EDF. Il s’agissait, pour un joueur-promoteur-architecte de gérer l’expansion d’une ville de pixels, nouvelle forme de modélisme qui n’a pas tardé à engendré sa naturelle frustration. Très vite, il a fallu peupler la maison de poupées. Les Sim’s, petits personnages aux vies compartimentées, ont étoffé les possibilités du jeu. En élargissant à l’humain la matière assujettie, l’éventail de pouvoir du joueur en a fait un petit Dieu, à l’échelle de son propre microcosme. C’est dans sa dimension théologique que le jeu mérite d’être questionné. Gérer les vies de ces tamagotchis élaborés se révèle infailliblement addictif : veiller à ce qu’ils vivent confortablement et se fassent des amis, qu’ils restent propres pour pouvoir les garder... Faire prendre une douche à son personnage pour qu’il ne sente pas mauvais. Sous toutes ses formes, la vie quotidienne vampirise la culture. Cousins du Loft, les Sim’s en reproduisent le caractère vicieux et monstrueux. La même déconstruction des relations humaines y est à l’œuvre, la même tentative passionnante de les domestiquer. Ils exercent sur leurs auditoires un semblable effet hypnotique, déréalisation d’un temps réel peu à peu diffracté par l’implosion des repères de petits dieux littéralement accrocs à cette vie par procuration. Flirtant avec l’épanouissement illusoire d’un je vidéo pour ne récolter que l’aliénation d’un jeu vide-ego.

Ally McBeal (c) D.R.
En mettant en scène (et en question) la réalité, ces dispositifs, des Sim’s au Loft, ne font pas qu’embrigader des meutes de teenagers, mais attisent, au pays des adultes, de vaines polémiques fustigeant leur voyeurisme. Serpent de mer éludant confortablement un problème autre : la fascination générale d’une époque, la nôtre, pour l’ennui et l’idiotie. Sentiment difficilement assumable, et pourtant assumé désormais par toute une veine branchée de l’intelligentsia. Trouver dans l’addiction au vide les perspectives d’un nouveau gisement de pensée était une innovation bienheureuse. Mais cet amour du concept, qui a inspiré tant d’exégètes loftiens et autres sociologues de la série télé, n’est plus leur apanage. Toujours plus, et c’est là que tout dérape, l’écart entre les analystes et leurs objets s’est resserré jusqu’à effleurer l’immédiateté. Décomplexée, la horde adolescente revendique à présent son statut, emmerde le questionnement, oubliant le concept pour se masturber publiquement sur Ally McBeal. Cet onanisme " teen spirit " qui sévit, vouant tant de lignes éditoriales à la posture, n’est qu’une œillade réactionnaire grimée en attitude moderniste. A la pointe de notre ère, il faudrait refuser de grandir, lorgner vers la bêtise biactolée, embrasser avec dévotion la trajectoire télé-réalité-clips-séries, sous peine d’être taxé de fascisme ? Se livrer aux tyrans bourgeois et se complaire dans une utopie universaliste qui, plus forte que toutes les politiques, comblerait la fracture sociale en réconciliant par l’image la France d’en haut et celle d’en bas, regards rivés sur un même écran ? Halte au communisme de l’hébétude, chaussons des semelles friandes d’esprit adolescent et foulons ce snobisme de l’anticulture. La branlette ne s’est jamais pratiquée en public. De grâce, masturbateurs proclamés, n’éjaculez plus dans vos colonnes.




Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir