Sorti de la salle de ciné, toujours rien compris au film,
pas de panique, cette chronique vous refait le film. Les producteurs
retiennent les spectateurs, les personnages se demandent encore
pourquoi ils ont accepté ce rôle. Qu’est ce qui se passe dans
leur tête, les dialogues qu’ils auraient aimé dire, nous vous
révélons la face cachée des scénarios. On se refait le film,
une critique inventive de vos films préférés, ou pas… parce
que le cinéma n’est pas un art sacré.
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Les hommes du XXIe
siècle ont édifié une nation où règne la paix. Hitler, Staline
et quelques autres dictateurs avaient bien trop chamboulé
le XXe siècle. On préférait se débarrasser définitivement
des fantômes du passé. Kim Jong Il pouvait continuer sa minable
dictature en Corée du Nord. Il est une Nation, Libria, où
un Père fondateur a trouvé le moyen d’éradiquer les passions
et la haine entre les hommes. Ça ne créait que la guerre et
le crime, tous les déchaînements de sentiments.
Le Père avait demandé à ses ingénieurs d’inventer un nouveau
genre de pilule. On trifouillait dans le cerveau des gens
pour qu’ils ne ressentent plus rien. C’était le prix de la
paix, de l’équilibre, l’Equilibrium. « Ni colère,
ni amour, ni joie, ni peine. Eradiquons ! »,
psalmodiait la voix sur les écrans de Libria. Le refrain de
l’abrutissement des masses. Une petite ampoule capable de
rendre tout le monde gentil comme des moutons. Inoffensifs.
Tous les jours à heure fixe, les pantins de ce royaume des
aveugles s’injectaient leur dose de Prozium dans la gorge.
C’était un mini suicide collectif. Une pression sur la gâchette
et vous étiez anesthésiés de toute sensation. Pas besoin de
voitures volantes ou de gadgets sophistiqués, l’architecture
écrasante de béton et un mobilier en ferraille paralysait
toute émotion. Plus question de ressentir de frisson en écoutant
Beethoven. « Cet homme n’a existé que dans des rêves
affreux. Bien pire que des cauchemars. Exterminons les arts »
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L’Ecclésiaste John Preston
(Christian Bale) est l’impitoyable soldat de cette indestructible
machine. Il n’aime pas les brebis galeuses. Il pratique les
arts martiaux et peut très bien tirer sur quatre personnes
à la fois avec un seul pistolet. Il vit dans un univers mêlé
de bleu et de noir, où les doigts semblent se casser contre
les tables et les miroirs. Il ordonne et dirige les attaques
contre les Résistants, ceux qui veulent conserver leurs émotions,
dont le cœur chavire devant un tableau ou qui gémissent en
écoutant un opéra. Ces clochards vivent dans le sous-sol crasseux
de Libria. Mais ils adorent manger des rats et gardent le
privilège d’aimer. Une philosophie du chaos.
John Preston, l’Ecclésiaste, lance sa tribu casquée, avec
leurs chars, leurs motos et leurs grands manteaux noirs, dans
un grand balai à la fois aérien et terrestre, assourdissant
mais brillant. Les armes claquent et les douilles s’enfoncent
dans le sol. Il y a comme une musique fantastique, un esthétisme
pur quand les Résistants tombent sous les balles. Rien de
plus merveilleux que ces mâchoires qui s’écrasent au fond
de ces gorges. La chorégraphie des massacres n’émeut pas beaucoup
Preston. Les larmes n’inondent pas ses yeux, il ne s’étouffe
pas dans ses rires. Il est juste le grand commissaire de Libria,
à la tête d’une armée de loups qui pensent comme des agneaux.
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Mais le jour où le soldat
oublie de prendre sa pilule, un hallucinant shoot de poudre
de rêve se déverse soudain dans ses veines. Il devient drogué
de la vie, drogué d’émotions. Ses sens le submergent. Ses
yeux brillent devant la femme qu’il vient de condamner à mort,
il découvre le goût de ses propres larmes. Pour la première
fois de sa vie le contact du métal fait tressaillir de froid
sa main. Alors ses flingues se mettent à chanter dans la nuit
de Libria. C’est comme une renaissance, le chef des rebelles,
le patron des Résistants, si c’était lui. Il n’aurait plus
qu’à creuser un petit cratère dans le crâne du Père de Libria.
Il trouverait le moyen de lui faire exploser le cœur pour
réanimer celui de la Nation...
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