Deux ans de mutisme - oh je vous
rassure, inconditionnels d’un style volontairement égocentrique
au service d’un monde foutrement stérile, mais qui reste à
rebâtir, rien de très grave : juste quelques camisoles
chimiques gentiment prescrites par un corps médical toujours
plus en quête de criminels virtuels (mais ça c’était bien
avant l’augmentation minime du Lexomil) ainsi que deux sympathiques
séjours en HP où j’ai pu me convertir à l’euro en toute tranquillité
en buvant du café à 1 euro, justement, le gobelet ; passons
sur l’ouragan Pierre qui a conduit a ces auto-mutilations
d’ordre psychiatrique (je ne t’en veux pas) – et rien n’a
changé. Les Strokes, dont on ne rappellera jamais assez qu’ils
ont fait leurs études en Suisse – mais un larsen ne s’apprend
pas sur les bancs de la fac, cher Julian, et les deux White
bicéphaux, dont Manœuvre aime tant à louer les compos (car
sur scène, c’est autre chose), n’ont pas réussi à tout faire
péter. La concurrence de Sirven était, il est vrai, gravement
sévère. Passons. Mieux vaut s’attarder sur des sujets plus
essentiels comme la culpabilité qui, il n’y a pas de hasard,
fait florès ces derniers temps sur nos écrans, petits et grands.
Ainsi de Bruce tout puissant et du programme mainstreemissime
Scrupules, déjà fort tendance dans les conversations
de comptoir. Raffarin et ses pieds nickelés peuvent remercier
Delarue, producteur du machin, d’avoir fait passer à l’arrière
plan toutes ces préoccupations bénignes, finalement, que sont
la réforme de la Sécu et autres mignardises budgétaires. Tout
ne se discute pas. Plus. Oserons-nous donc un parallèle entre
ces deux choses vues en 2003. D’un côté, une comédie plaisante,
homophobe aux entournures (mais, c’est pas grave, Père
et fils du désopilant Boujenah a déjà entrepris l’abject
travail de sape), qui voit un Jim Carrey, cabot et cachetonnant
sans talent, affublé des Divins pouvoirs. De l’autre, des
anonymes (plus pour très longtemps) aboyant sur un plateau
télé leur Sacrée différence. Ici, un type se targuant d’avoir
trompé bobonne alors que celle-ci était enceinte; là, un gus,
marié héterosexuellement, en Ray Ban s’expliquant sur ses
attirances pour les mecs. Outre l’aspect divertissant qui
relie les deux bidules vus en 2003, rappelons-le, il est fascinant
de voir à quel point de couardise extrême ces deux-là font
la paire. Le but est simple : nous rendre coupables,
nous retirer toute forme d’orgueil, de prétentions dans le
sens le plus noble de ces termes. Telle est la finalité insidieuse
de ces deux entreprises de la rentrée 2003. Bruce pendant
quelques jours se permet tout : apprendre à Médor à pisser
dans les chiottes comme un être humain (c’est Cabrel qui va
mouiller), devenir un journaliste refourgueur de scoops pyrotechniques,
honorer Madame comme John Holmes. Puis, j’ai oublié les prénoms,
Rémy qui, pour son quart d’heure de gloire sur TF1, vante
les vertus du cocufiage se sentant lui aussi investi d’un
rôle quasi-biblique par caméras télé-réalistes interposées.
Et Jean-Paul, là encore j’ai zappé le prénom, qui, auréolé
d’un prosélytisme digne d’un Allah en couche-culottes, se
répandant sur ses aventures homosexuello-extra-conjugales.
Jusque là, rien de très grave. Rien ne sert de juger, n’est-il
point ? En effet, qui n’a pas rêvé de remplacer Gildas
et de Caunes à NPA ? Qui n’a pas rêvé de détrôner Bové
au hit parade des contestataires ? Qui n’a pas rêvé de
se faire du flouze en n’en foutant pas une ramée ? Qui
n’a pas rêvé de troncher son ou sa conjointe comme un ténor
du porno ? Qui n’a pas rêvé de mourir pour mieux renaître ?
Qui ? Là où le bât blesse sérieusement, c’est quand Bruce
et ses homologues cathodiques sont, via un scénario et un
montage ultra judéo-chrétiens, invités à revoir leurs principes
respectifs. La toute puissance de Bruce est-elle ainsi réduite
comme peau de chagrin parce que, t’es bien gentil coco, mais
t’es pas Dieu. Alors, tu vas t’excuser auprès de ta meuf pour
avoir embrassé une bimbo, tu vas implorer ton collègue, à
qui t’as voulu piquer la place de star du JT, de te pardonner
ton geste d’outrecuidance évolutive. Rémy et Jean-Paul, quant
à eux et bien que campant sur leurs positions (grand bien
leur en fasse), sont, au terme de leur argutie, soumis au
verdict, évidemment bienséant et respectueux des codes sociaux,
d’une plèbe quotidiennement sondagée, chaque jour un peu plus
menottée, et que Carole Rousseau, une Évelyne Thomas en moins
punk, appelle le public. On a les avocats qu’on mérite. Mais
tout cela n’est pas très grave, au final. Juste minable. Car
au royaume des missels popstarisés, des églises discount et
des mosquées bâillonnées, les confessionnaux et les couloirs
d’hôpital psychiatrique débordent. Qu’il est bon de rire.
Un bon rire, ça vaut un bon jambon. À plus !