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Edouard Baer (c) D.R. INCENDIAIRES #5
Du télé travail
Par Cyrille GUERIN


Oyé, oyé, le télé marketing a trépassé. L’arme à gauche. Est en train de doucement faire ses bagages. S’en aller sur la pointe des pieds. Et ce n’est pas la ménagère de moins de trente-cinq ans qui, convoitée, courtisée, sur-sollicitée entre deux soap et un C’est mon choix consacré à la fusion entre la LCR et PS (ben quoi, on peut rêver), va s’en plaindre. Requiem pour la vente moisie par téléphone. Nécro à venir. Télé performance devrait s’en charger. Rebranchez vos bigophones à tout faire. Gardez la zappette à portée de main. C’est dans la petite lucarne que ça se passe. Satanée époque d’image qui n’en finit plus de se refléter dans les miroirs du narcissisme afférent. Si la télé réalité a encore de beaux jours devant elle – Aliagas et ses p’tits crèvent chaque soir les parts de marché (merci Pierre), Bataille et Fontaine se retrouvent adoubés par Field sur la très hype Paris Première, quant à l’Ardisson du media nocche Tout le monde en parle, il nous fait de plus en plus entrer dans les arcanes du montage, sa marque de fabrique, en faisant passer adroitement et à force de malicieux happenings les vessies de l’enregistrement pour les lanternes du direct (phrase culte : « est-ce que le public veut que l’on garde cette scène au montage ?), il est un embryon de phénomène qui actuellement remporte tous les suffrages de l’underground : le télé travail.

  Nikos Aliagas (c) D.R.

Il n’y a pas de hasard. Aujourd’hui, foutre un pied en dehors de son appart’ est synonyme de poussée de tachycardie (contrôle sauvage sous le haut parrainage des CRS dans le métro), d’éruption de frissons sur une gueule déjà bien cernée (traverser en dehors des clous à Lutèce peut vous coûter la modique somme de 135 euros), de boutons de fièvre sur la langue (rouler des patins devient un exploit aujourd’hui) et j’en passe et de savoureux dermatologiques détails. Aussi, les animateurs de la branchitude en sont-ils rendus à bosser chez eux. Carrément. Certes, il y a bien Taddéï qui, sur une idée d’un Ardisson alors abonné aux archives de l’INA, enfourche hebdomadairement sa caméra et part à l’assaut d’un Paris by night où seuls les mots de passe, les codes vestimentaires et les flyers clinquants comptent. Paris dernière n’est plus à présenter. Certes, il y a bien eu également, si l’on regarde dans le rétro, le fondateur Questions à domicile co-animé par un Jean-Marie Colombani pas encore despotique puis, au total arrière-plan, les plans pique-assiette de VGE dans ce qui n’était pas encore la France d’en bas. Tout cela relève d’une certaine forme de télé réalité liminaire. Mais là où Ardisson, encore lui, fatigué de servir de passe-plats aux chroniqueurs semi-mondains de RD/RG, nous bluffe en cette rentrée cathodique, c’est une fois de plus dans le concept, acméïque, de 93, faubourg Saint Honoré. Là encore, on en a eu et vu des avertissements télévisuels : Vecchi et Wizman recevant dans un appartement en location dans une émission éponyme, Baer déglinguant NPA version Durand depuis son improvisé Centre de visionnage ou bien Pascale Clark et ses entretiens bobos dans le factice salon d’En aparté.

Thierry Ardisson (c) D.R.

Ardisson, tel un Cocteau sauce petit écran perpétuellement en quête du projet qui tue, toujours prompt à se saborder, à se remettre sacrément en question mitraille ostensiblement les canons de la télé réalité et impose, via une trouvaille révolutionnaire, à nouveau son style. Celui qui depuis des lustres fait se rencontrer France des villes et France des champs. Sur Paris Première, il l’intensifie en recevant chez lui, dans son appart’ parisien ultra chicos sous l’œil de caméras touche à tout, scrupuleusement caressantes. Rarement de gros plans obsédés par la larme, le signe d’émotions qui remplirait le cahier des charges des émissions idoines. Chez Ardisson, réactualisation au passage de l’expression type « T’as vu l’autre jour Jamel chez Ardisson », on sirote un apéro dans la cuisine, on dîne bleu, rose ou cépia (chaque repas a une couleur, peut-être reviendrons-nous sur ce détail qui doit être lourd de significations) dans la salle à manger, puis on finit la soirée en pétant les couilles des voisins avec une cantatrice accompagnée au piano. Génie de la maison, on touche presque là à la sainte réalité dans la télé, sans scénario ni subterfuges inhérents à la douteuse télé réalité. Ici, on n’aboie pas pour un public chauffé et aux ordres, on ne se met pas en scène, du moins dans le sens prime time ou seconde partie de soirée du terme, non, on se montre tel que l’on est.  On est amené en tout cas à le croire sur parole. La mayo prend ou non mais, à force d’étirer ses paradigmes  jusqu’à un sein épuisement - le dîner en ville réunissant diverses sensibilités et devant des millions de téléspectateurs, Ardisson que certains croyaient à bout de souffle montre que c’est décidément dans les vieux plats qu’on fait les meilleures soupes. Il se murmure ici et là que Fogiel devrait suivre en accueillant ses convives dans sa baignoire. Massenet ramasserait les poils.



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