Oyé, oyé, le télé marketing a trépassé.
L’arme à gauche. Est en train de doucement faire ses bagages.
S’en aller sur la pointe des pieds. Et ce n’est pas la ménagère
de moins de trente-cinq ans qui, convoitée, courtisée, sur-sollicitée
entre deux soap et un C’est mon choix consacré à la
fusion entre la LCR et PS (ben quoi, on peut rêver), va s’en
plaindre. Requiem pour la vente moisie par téléphone. Nécro
à venir. Télé performance devrait s’en charger. Rebranchez
vos bigophones à tout faire. Gardez la zappette à portée de
main. C’est dans la petite lucarne que ça se passe. Satanée
époque d’image qui n’en finit plus de se refléter dans les
miroirs du narcissisme afférent. Si la télé réalité a encore
de beaux jours devant elle – Aliagas et ses p’tits crèvent
chaque soir les parts de marché (merci Pierre), Bataille et
Fontaine se retrouvent adoubés par Field sur la très hype
Paris Première, quant à l’Ardisson du media nocche Tout
le monde en parle, il nous fait de plus en plus entrer
dans les arcanes du montage, sa marque de fabrique, en faisant
passer adroitement et à force de malicieux happenings les
vessies de l’enregistrement pour les lanternes du direct (phrase
culte : « est-ce que le public veut que
l’on garde cette scène au montage ?), il est un embryon
de phénomène qui actuellement remporte tous les suffrages
de l’underground : le télé travail.
|
 |
|
|
Il n’y a pas de hasard. Aujourd’hui, foutre
un pied en dehors de son appart’ est synonyme de poussée de
tachycardie (contrôle sauvage sous le haut parrainage des
CRS dans le métro), d’éruption de frissons sur une gueule
déjà bien cernée (traverser en dehors des clous à Lutèce peut
vous coûter la modique somme de 135 euros), de boutons de
fièvre sur la langue (rouler des patins devient un exploit
aujourd’hui) et j’en passe et de savoureux dermatologiques
détails. Aussi, les animateurs de la branchitude en sont-ils
rendus à bosser chez eux. Carrément. Certes, il y a bien Taddéï
qui, sur une idée d’un Ardisson alors abonné aux archives
de l’INA, enfourche hebdomadairement sa caméra et part à l’assaut
d’un Paris by night où seuls les mots de passe, les codes
vestimentaires et les flyers clinquants comptent. Paris
dernière n’est plus à présenter. Certes, il y a bien eu
également, si l’on regarde dans le rétro, le fondateur Questions
à domicile co-animé par un Jean-Marie Colombani pas encore
despotique puis, au total arrière-plan, les plans pique-assiette
de VGE dans ce qui n’était pas encore la France d’en bas.
Tout cela relève d’une certaine forme de télé réalité liminaire.
Mais là où Ardisson, encore lui, fatigué de servir de passe-plats
aux chroniqueurs semi-mondains de RD/RG, nous bluffe en cette
rentrée cathodique, c’est une fois de plus dans le concept,
acméïque, de 93, faubourg Saint Honoré. Là encore,
on en a eu et vu des avertissements télévisuels : Vecchi
et Wizman recevant dans un appartement en location dans une
émission éponyme, Baer déglinguant NPA version Durand depuis
son improvisé Centre de visionnage ou bien Pascale Clark et
ses entretiens bobos dans le factice salon d’En aparté.
 |
|
|
|
Ardisson, tel un Cocteau sauce petit écran
perpétuellement en quête du projet qui tue, toujours prompt
à se saborder, à se remettre sacrément en question mitraille
ostensiblement les canons de la télé réalité et impose, via
une trouvaille révolutionnaire, à nouveau son style. Celui
qui depuis des lustres fait se rencontrer France des villes
et France des champs. Sur Paris Première, il l’intensifie
en recevant chez lui, dans son appart’ parisien ultra chicos
sous l’œil de caméras touche à tout, scrupuleusement caressantes.
Rarement de gros plans obsédés par la larme, le signe d’émotions
qui remplirait le cahier des charges des émissions idoines.
Chez Ardisson, réactualisation au passage de l’expression
type « T’as vu l’autre jour Jamel chez Ardisson »,
on sirote un apéro dans la cuisine, on dîne bleu, rose ou
cépia (chaque repas a une couleur, peut-être reviendrons-nous
sur ce détail qui doit être lourd de significations) dans
la salle à manger, puis on finit la soirée en pétant les couilles
des voisins avec une cantatrice accompagnée au piano. Génie
de la maison, on touche presque là à la sainte réalité dans
la télé, sans scénario ni subterfuges inhérents à la douteuse
télé réalité. Ici, on n’aboie pas pour un public chauffé et
aux ordres, on ne se met pas en scène, du moins dans le sens
prime time ou seconde partie de soirée du terme, non, on se
montre tel que l’on est. On est amené en tout cas à le croire
sur parole. La mayo prend ou non mais, à force d’étirer ses
paradigmes jusqu’à un sein épuisement - le dîner en ville
réunissant diverses sensibilités et devant des millions de
téléspectateurs, Ardisson que certains croyaient à bout de
souffle montre que c’est décidément dans les vieux plats qu’on
fait les meilleures soupes. Il se murmure ici et là que Fogiel
devrait suivre en accueillant ses convives dans sa baignoire.
Massenet ramasserait les poils.
 |
|
|