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(c) Marilene FICTIONS CORP. #2
L’Homme Surexposé
Par Sylvain MILLIOT



Fictions Corp active et désactive les désirs. Fictions Corp est une zone de votre espace mental. Fictions Corp est au croisement des représentations. Fictions Corp joue des images et des mots. Fictions Corp investit dans la langue. Fictions Corp récolte des données sur l’univers et les reformule. Fictions Corp est bien réel.

« Il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité »
Saint Paul, première épître aux Corinthiens


  (c) Marilene

Joseph Jernigan aka number 699 aka l’homme visible, né le 31/01/1954 aux USA à Kane County (Illinois), est mort au pénitencier d’Huntsville (Texas) exécuté par injection létale de chlorure de potassium le 05/08/1993. Son corps fut congelé, scannérisé, puis découpé en tranches fines qui furent toutes numérisées une par une. Les images numériques du corps de Jernigan constituent depuis, un programme virtuel que la National Library Of Medicine des USA met à disposition des internautes sur la toile mondiale sous le nom de Visible Human Project. Jernigan depuis, a été vu par des milliers de personnes, étudiants en médecine ou non. Il est visualisé, téléchargé, copié, redécoupé, collé, construit, déconstruit, reconstruit. Il voyage à travers les tuyaux du réseau sous forme de 0 et de 1.

Un jour sur l’écran d’une étudiante de Dijon, un autre dans une galerie d’art de Tokyo. Il est simultanément partout et nulle part. Sa matière est visible et sa visibilité totale n’a pas de lieu. Jernigan n’est plus, et pourtant c’est toujours Jernigan que l’étudiante de Dijon étudie, son traité d’anatomie sur les genoux, et que Kimiko observe, amusée, à Tokyo. Jernigan a un testicule en moins, eu des tendinites, avait peut-être le vertige, s’est fait retirer l’appendice. Mais ce n’est pas le testicule en moins de Jernigan qui intéresse l’étudiante de Dijon. C’est que Jernigan soit là, toujours disponible, à portée de regard, comme le cadavre immarcescible qu’il est devenu, corps glorieux, corps transfiguré. Déjà Vesale en 1543 avec son De Humani Corporis Fabrica et ses 300 planches illustrées par Jean de Calcar, livrait au regard baroque, le corps humain, béant et visible sous un soleil copernicien immobile et lointain. Ce que la Fabrica montrait, c’est le corps objectif, qui remonte de l’obscurité des caves du Moyen-Age, pour affronter la lumière de la raison. Mais chez Vesale, ce corps cherchant à livrer sa structure, s’il se dépouille de ses fétiches animistes ou religieux, c’est pour mieux s’identifier à une fiction universelle : Vesale montre un corps commun, universel, raisonnable, un corps-machine-univers.

(c) Marilene

Le Visible Man Project répète ce même rêve d’une anatomie rationnelle s’appuyant sur une mise en image du corps. Il reste que la fiction héroïque qu’il produit s’appuie sur un corps réel, historique. Ce n’est plus une anatomie construite en partant de corps singuliers qui à force de dissection et d’analogies forment un corps général ; c’est une anatomie qui donne à voir, partout et toujours, un véritable corps singulier, celui de Joseph Jernigan, transfiguré en corps universel fictif. THE MALE BODY lit-on sur les tranches de Jernigan. On peut y voir un exemple du passage de la modernité à la post-modernité, qui approche le réel par la fiction, ou la réalisation technique d’une vieille théologie. Celle qui visait la transfiguration des corps matériels en corps glorieux. Les nouvelles techniques du visible réalisent la vision christique traversante : la lumière ne se réfléchit plus, elle traverse les corps, les maintient, les réalise. Miracle d’une vision qui enlève aux choses leur dehors et leur dedans et veut l’infini du point de vue total. Jernigan, premier homme informationnel, n’existant que comme virtualité du visible, sans cesse recomposé dans le réseau des corps percevants, porte en lui tous ses aspects, toutes ses silhouettes. Il s’avance en disant Ecce Homo / Joseph Jernigan, à la fois le corps idéal pour l’étudiante de Dijon, et l’histoire singulière dont l’artiste peut se soucier. Jernigan est vraiment de son époque…(les premiers chercheurs qui eurent l’idée du Visible Man Project le baptisèrent Adam. Dans la Kabbale juive, le premier homme se nomme «adam de lumière »)



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Marilene : une artiste anglaise s’identifie à Jernigan
NML : le site officiel de la National Library of Medicine