SYNOPSIS :
Quatre de ces rencontres : il y a
d’abord ce chirurgien qui opère ses dernières
cataractes à l’Hôtel Dieu, il y a ensuite Jean-Louis,
artiste bricoleur qui prépare une expo de ses sculptures
insolites, et Michel, artisan boucher qui raconte sa vie de
travail entre abattoirs et places de marché. Et enfin
il y Françoise qui mène le cinéaste dans
l’antre d’un mystérieux géant. Elle lui a consacré
des années de sa vie pour des travaux qui n’aboutissaient
jamais. Cet ogre colérique et capricieux est maintenant
mort, il s’agissait d’Orson Welles. |
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EN TOUTE INNOCENCE
Cavalier ou la poursuite
du bonheur infini de filmer seul.
Cavalier est un gars modeste
qui filme. Qui avance dans la vie comme il filme.
Sans embêter personne,
sans que personne ne l'embête.
C'est la simplicité
du geste qui touche infiniment. Geste qui le met à
égalité avec la personne en face de lui. Amicalité
d'artisans-sculpteurs en conversation, écoute attentive
pour les monologues de ces êtres, boucher dont la vie
se jongle en mots, femme invisible qui rencontra l'ogre cinéaste,
chirurgien des yeux dont l'émotion du départ
en retraite se lit dans la perle d'un regard mouillé.
Le spectateur d’un film
d'Alain Cavalier doit se faire discret, il assiste à
l'éclosion d'épiphanies. L'art naissant de la
rencontre, sans cesse renouvelée. Avec un inconnu,
avec des amis qu'on redécouvre à chaque fois
qu'on les sent, avec un génie ressuscité fantôme
par une voix féminine. L'intensité heureuse
de la réunion intime des êtres se lit en plans-séquences
généreux, où le cinéaste, tout
en proposant son regard, se fait participant. Cavalier ne
dissimule rien. Pas même l'instant ludique de commenter
ses impulsions de mise en scène. Quand il demande à
son interlocutrice de lui lacer ses chaussures, lorsqu'il
cherche le bouton interrupteur de sa caméra, le cinéaste
est aussi notre égal, notre compagnon de cinéma.
Toute distance s'abolit, nous entrons en connivence, cet instant
merveilleux où la parole est devenue vaine. Ou la relation
s'établit, va de soi. Cavalier ou l'ami cinéaste.
Celui avec qui on prend rendez-vous dans les salles de cinéma.
A qui on s'adresserait presque en secret. Dans le noir, pour
nous garder discret.
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La parole est à eux.
L'image aussi. Yves le chirurgien ouvre le quintet. Il a rendu
la vue à de nombreuses personnes par la précision
gracieuse de son geste-scalpel. Il s'en va, mis à la
retraite. Son ami a longuement filmé ces derniers instants
de travail, derniers morceaux d'un pan de sa vie. En ouvrant
son film par ces instants volés avec assentiment, Alain
Cavalier fait preuve d'audace. Il prend le risque d'exclure
le spectateur par amitié pour cet homme filmé.
Et pourtant, inexplicablement, alors qu'on devrait s'ennuyer
devant ses séquences chirurgicales répétitives,
on comprend très vite qu'une vie est en train de se
jouer sous nos yeux. Pas la vie des patients, dont on pressent
très vite, malgré les plans impressionnants
de leurs yeux opérés, qu'ils vont être
guéris. Non, la vie d'un homme qui quitte un univers,
des collègues, des anesthésiés anonymes
recouverts de draps qui ne savaient quoi faire pour le remercier
de leur avoir changé la vie. Rien ne sera plus pareil
pour lui, et Cavalier nous invite à partager ce moment
décisif qu'il transforme autant en preuve d'amitié
qu'en moment de cinéma.
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