UN AGENT SECRET A MARSEILLE

Enfin, voici un peu d'air frais dans la chambre obscure du cinéma français et international ! Si le diable inspire bien mal les scénaristes en tout genre, nous somme tentés malgré tout de laisser Lucifer et le bon Dieu pour nous attacher aux petites histoires humaines. En effet, dans ce récit, Lucie prend tous les droits et elle a bien raison.

Autour de Lucie, tout respire. Et pour cause : ce divertissement sentimental d'Emmanuel Mouret (après la récente " fantaisie " de Jeanne Labrune) inspire la bonne humeur, la légèreté et l’allégresse. Ici, Lucie est incarnée par la trop rare Marie Gillain, dont le jeu est teinté de vertu fraîche et spontanée : la voir rire dans son sommeil est un pur délice, et la trouvaille de la formule amoureuse, " a (attirance érotique) + A (amitié) = amour " relève de l'humour le plus lucide, surtout quand on la voit se refléter dans son regard merveilleusement candide. Quant à Emmanuel Mouret, il réussit à créer un Lucien attendrissant de naïveté maladroite, personnage apparenté à Fernandel et Gaston Lagaffe, dans un univers à la Tati, ce qui n'est pas rien. D'ailleurs, le générique du début, mettant en scène les personnages en figures de dessin animé, donne le ton. La bonhomie du film est amorcée dès les premières images, sans pour autant tomber dans la mièvrerie humoristique. Attention : il y a une grande différence entre la tiédeur des vents de l'esprit mercantile et le sirocco des plages méditerranéennes.

Dans Laissons Lucie faire, l'imagination est à contre-courant des modes qui consistent à faire prendre des vessies pour des lanternes. Au contraire, le jeune réalisateur - acteur suit son credo et sa bonne foi est payante, sur le plan artistique en tout cas, ce qui est une qualité à notre époque. Il s'attache à son histoire aussi juvénile et dilettante que peut le sembler son héros, mais plus ferme et sensée qu'on ne le croie. Il y aurait même un sens du réalisme proche de Rohmer, avec ce léger décalage dans les dialogues et la désarmante simplicité apparente de la mise en scène, ce vérisme qui débouche sur une autre vérité, celle de l'amusement intellectuel, nourri dans la plus claire souplesse. Pas besoin de grands effets spéciaux, pas besoin de grands drames contemporains, juste des sensations universelles ressenties par un personnage hors du commun, Lucien, fils à papa qui veut profiter de l'existence en jouant à l'agent secret à Marseille et qui ne peut résister aux avances d'une belle donzelle (Dolorès Chaplin), alors que sa promise, Lucie en l'occurrence, l'attend au tournant de leur relation amoureuse.

On pense enfin à un film sorti en décembre 1998, Julie est amoureuse, de Vincent Dietschy, qui a la même effronterie sincère, sans forfanterie aucune. Plutôt du badinage intelligent et agréable, où riment bon sens, bonne humeur et bonne volonté, autant dans le travail fourni que dans le résultat. Chose rare. Et à ne pas manquer donc. Sans oublier le rire nocturne de Marie Gillain qui nous suit en sortant de la salle de cinéma, mais étions-nous réellement au cinéma, ou sous le soleil d'une caméra qui réchauffe la sinistrose hivernale qui a envahi les écrans et les cerveaux depuis trop longtemps ?

Titre : Laissons Lucie faire Réalisateur : Emmanuel Mouret Editeur : Editions Montparnasse Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir

Titre : Laissons Lucie faire Réalisateur : Emmanuel Mouret Scénariste : Emmanuel Mouret Acteurs : Marie Gillain, Emmanuel Mouret, Dolores Chaplin, Georges Neri, Natalia Romanenko, Arnaud Simon Compositeur : David Hadjadj et Jérôme Rebotier Directeur de la photographie : Aurélien Devaux Monteur : Sarah Turoche Producteur : Philippe Martin et David Thion Production : France 3 Cinéma, Gimages 3, Cofimage 11, StudioCanal, Les Films Pelléas, France Distribution : Ad Vitam, France Sortie : 27 Décembre 2000 Pays : France Année : 1999 Durée : 1h 31