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A ma soeur ! (c) D.R. A MA SOEUR
de Catherine Breillat
Par Cyril JOHANNEAU


SYNOPSIS : Anaïs, douze ans, se trouve complexée par son poids. Tapie dans l'ombre ou laissée pour compte, elle souffre intérieurement. C'est l'été, la mer, les vacances en famille, l'apprentissage du premier amour. Cet apprentissage, Anaïs le fait en observant sa soeur aînée Eléna.
Celle-ci, quinze ans, incarne la beauté du diable. Pas plus intelligente, ni plus bête que sa cadette, elle rejette l'idée de n'être qu'un objet de désir. La perte de la virginité des filles va ouvrir la porte au drame.

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AME, MA SŒUR AME

De par sa liberté, sa beauté, son intrépidité et sa lucidité, Anaïs dégage une intensité érotique inédite et dérangeante quand incarnée dans ce que Breillat appelle un " corps interdit ". Le sexe au milieu du visage, elle est une lolita en puissance encore jamais rencontrée au cinéma.

  A ma soeur ! (c) D.R.

De la paisible désolation d’un paysage jeté à terre, d’une nature ravagée par la tempête qui ouvre A Ma Sœur ! , Catherine Breillat fait un motif esthétique, diégétique et psychologique essentiel (et sensuel). Tout semble concourir à ce que les personnages se jettent, se couchent comme mus par une irrésistible attraction horizontale et traversés du seul souci de se relever, grandis si possible.

Lolita. Point d’ambages ni de circonvolutions, d’emblée, première scène et premières répliques, il ne s’agit que du dépucelage des jeunes filles. Entre Elena, 15 ans, et Anaïs, 12 ans, deux conceptions s’affrontent dont le nerf de guerre est avant tout et de loin la quête de soi dans la perte de l’équilibre induite par le passage d’un état à un autre. Jouant avec la simplicité et la (fausse) légèreté des sitcoms pour adolescents, l’auteur se joue de leurs codes avec un air de ne pas y toucher absolument réjouissant. La tempête a emporté avec elle les préoccupations triviales pour ne laisser que celle qui emplit effectivement le cœur, le corps et la tête des jeunes filles : la perte de la virginité. Les dialogues sont limpides dans leur frontalité, voire banals dans leurs aspérités, la trame simplissime dans sa complexité, la lumière et les couleurs ont été revisitées pour ne pas engoncer les personnages. Au contraire, elles semblent les déborder et émaner d’eux. d’où cette proximité antithétique avec l’univers de la sitcom. Au cœur de ce jeu d’attraction-répulsion, les deux sœurs, dans la tradition du binôme que tout sépare, que tout unit : Elena, canon de beauté, objet de désir standardisé refuse la sexualité en rêvant au prince charmant ; Anaïs, jeune adolescente obèse, observe et engloutit le monde, déjà pleine d’impérieux désirs. Une fois encore, Catherine Breillat inverse les rapports de force et écartèle la situation dans ce qu’elle a d’attendu : Anaïs n’est pas considérée dans son obésité mais dans sa présence (belle et débordante) au monde, là où Elena n’est que figurante. De par sa liberté, sa beauté, son intrépidité et sa lucidité, elle dégage une intensité érotique inédite et dérangeante quand incarnée dans ce que Breillat appelle un " corps interdit " (" un mélange de corps de petite fille, et en même temps une incroyable opulence sexuelle "). Le sexe au milieu du visage, elle est une lolita en puissance encore jamais rencontrée au cinéma.