POINT DE VUE
Loin des pitoyables tentatives d'intellectualisation
du sexe que constituaient Romance et La mécanique
des femmes, Le pornographe, ne fera pas l'objet
des vives polémiques que connût le racoleur
Baise moi.
Le Pornographe, qui fut présenté lors
du festival de Cannes dans le cadre de la Semaine de la
Critique, séduit d'emblée : distribution prestigieuse,
sujet en vogue, scènes de sexes dépouillées.
Mais contrairement à ce que
le titre suggère, Le pornographe s'avère
être un film complètement asexué : la
scène de sexe entre Ovidie et Titof en est la parfaite
illustration. En filmant avec une absolue neutralité,
Bonello renvoie les corps à leur apparente désuétude
dans un acte dénué de tout sentiment. La lancinante
musique de Labradford (il fallait oser) parachève
dailleurs l'activité mécanique de ces corps.
L'intérêt de l'oeuvre ne réside
donc pas dans ces fonctionnelles scènes de sexe qui
parodient allégrement les dialogues du genre, mais
bien dans le portrait de ce pornographe désenchanté,
dont l'activité engendra le départ de son
fils. Cinquantenaire désabusé et incompris,
Jacques tente de reprendre du service dans la pornographie
en vain, la profession n'a que faire de ses intentions cinématographiques.
Son fils, avec qui il renoue, vit dans la même incompréhension
que lui au sein d'une génération de jeunes
gens veules et sans âme. Ces retrouvailles père-fils
n'auront pas suffi à rattraper le temps perdu. Esseulé,
Jacques, incarné par le charismatique Jean Pierre
Léaud sombre, en proie à une crise existentielle
qui le fait rompre avec sa compagne (Dominique Blanc).
S'enlisant dans une déréliction poisseuse,
il ne survit alors que dans le mouvement d'écriture,
acte salvateur qui le prémunit contre un éventuel
suicide.