L'ORIGINAL
" Aussi indigeste qu'une
bouteille de gin pur ingurgitée avant le petit déjeuner "
écrivait un critique en 1971. Il est vrai que Get
Carter (La Loi du milieu en français)
de Mike Hodges remue l'estomac. Trente ans après,
Guy Ritchie (Snatch) ou Brian Helgeland (Payback)
ne s'en sont pas encore remis. Et Stallone vient d'en interpréter
le remake.
Figure facétieuse des swinging sixties
(Ipcress danger immédiat, Alfie , L'or se barre),
Michael Caine acceptait d'incarner un malfrat brutal et antipathique.
De noir vêtu et tiré à quatre épingles,
il arpentait les bas-fonds de Newcastle à la recherche
des assassins de son frère. " Pour moi,
raconte l'acteur dans ses mémoires, c'était
l'occasion de montrer les gangsters tels qu'ils sont réellement.
Jusqu'alors, la tradition du cinéma britannique, à
l'exception du Gang des tueurs (1947) de John Boulting
d'après Graham Greene, était de faire des truands
des types sympas ou des Robin des Bois qui volent aux riches
pour donner aux pauvres. Un portrait, vous en conviendrez
aisément, pas très réaliste ".
Les thèmes chers au polar français (façon
Giovanni ou Melville), comme l'honneur ou la camaraderie,
sont ici inexistants. La Loi du milieu est celle du
profit et de l'individualisme. Sa quête de vengeance
ne fait pas de Jack Carter un vertueux. Il ne vaut pas mieux
que la partie adverse. Qu'un informateur soit passé
à tabac par sa faute ne l'émeut pas. Regarder
un film porno amateur avec des mineures ne le choque pas non
plus, à moins qu'il n'y reconnaisse sa nièce.
Il n'hésite pas à noyer et à poignarder.
Avec sa sinistre élégance de croque-mort, Jack
Carter dégage une odeur de mort, celle des autres mais
aussi la sienne. Le tueur qui l'abattra à la fin se
trouve déjà dans son compartiment pendant le
trajet Londres-Newcastle.
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Pour son premier coup d'essai, Mike Hodges
(formé à la télévision) a adopté
un style proche de Sergio Leone, l'humour en moins. Comme
lui, il étire le temps et filme la violence de façon
réaliste, montrant des plaies béantes et des
corps qui s'écrasent avec fracas sur le bitume. " Je
savais que le film devait être aussi dur et impitoyable
que l'était Carter, explique Hodges. Je devais
le réaliser avec la précision du chirurgien
opérant un cancer. " Froid et tranchant,
Michael Caine fait office de scalpel. Ian Hendry (Répulsion,
Danger planète inconnue) et Britt Ekland (la
Bond Girl de L'Homme au pistolet d'or) vont d'ailleurs
en faire les frais. Bien avant Stallone, son rôle
sera repris en 1972 par Bernie Casey dans Hit Man,
une version " blaxploitation " du roman
de Ted Lewis avec Pam Grier !
Dans la lignée du Point
de non-retour (1967) de John Boorman, Get Carter
a sans nul doute influencé son remake, l'excellent
Payback . Mel Gibson y affiche la même détermination
et la même absence de scrupules quant aux méthodes
employées. Ressorti en 1999 outre-Manche dans une copie
restaurée par le British Film Institute, Get Carter
est désormais estampillé " meilleur
film de gangsters britannique ". Mike Hodges s'est
depuis quelque peu égaré dans des entreprises
incertaines (Flash Gordon, Les Débiles de l'espace
)
avant de retrouver l'inspiration avec Croupier avec
Clive Owen. Quant à Michael Caine, il a récemment
interprété un autre truand londonien dans Shiner
de John Irvin. " Je considère ce film
comme le dernier d'une trilogie, commencée avec
Get Carter et Mona Lisa. C'est fini, je ne jouerai
plus les gangsters. " Dommage.
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Titre La
Loi du milieu
Titre anglais
Get Carter
Réalisateur
Mike Hodges
Scénariste
Mike Hodges
Basé sur le roman
Jack's Return Home
Ecrit par
Ted Lewis
Musique composée
par Roy Budd
Studio
MGM
Producteur
Michael Klinger
Interprètes
Michael Caine, Ian Hendry , Britt Ekland , John
Osborne , Tony Beckley, George Sewell, Geraldine
Moffat, Dorothy White, Rosemarie Dunham, Petra Markham,
Alun Armstrong, Bryan Mosley,
Durée 1
h 51
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