QUAND H.R. GIGER DONNE DES DENTS AUX
CAPOTES
Tel est le point de départ
de Killer Kondom (Kondom des Grauens, littéralement
Le Préservatif de l'Horreur) réalisé
par Martin Walz en 1996 d'après la BD de Ralf König,
La capote qui tue (éd. Glénat). Avec
un scénario digne d'une série Z, le film est
une grosse farce parodiant le polar et le film d'horreur.
Une curiosité d'outre-Rhin qui, même au sein
de la nouvelle vague du cinéma allemand, faisait
alors un peu figure d'ovni, tant par son humour outrancier
que par son impossibilité à le classer. " On
ne peut comparer ce film avec aucune des comédies
allemandes que l'on a vues, affirme Walz. Elles ont la plupart
du temps un côté " télévision "
que le film n'a absolument pas. C'est vraiment du grand
cinéma. " Le budget est d'ailleurs
conséquent, ce qui permet au cinéaste d'avoir
à sa disposition des effets spéciaux remarquables
et un solide casting.
Après l'énorme succès
de l'adaptation de Der Bewegte Mann, une comédie
vaudevillesque fort drôle sur les rapports entre homos
et hétéros (sortie à la sauvette en France
en juin 1996 sous le titre Les Nouveaux Mecs), le dessinateur
homosexuel Ralf König a grandement intéressé
les producteurs. Cependant, Killer Kondom en est à
l'opposé et on nage ici en plein délire. L'inspecteur
Mackeroni découvre rapidement que des capotes pourvues
de dents hargneuses sont à l'origine de l'hécatombe
de pénis qui sévit à New York. Elles
bougent, sautent, mordent et émettent des sons de Mogwais.
" J'ai fait cette BD en 1987, à l'époque
où les campagnes de protection anti-SIDA étaient
à leur apogée, explique König. Brusquement,
on entendait de toutes parts : " Tu dois le
faire avec un préservatif ! Tu dois le faire avec
un préservatif ! " Cela me tapait sur
les nerfs, parce que le préservatif était devenu
subitement une sorte de Vache Sacrée. On ne pouvait
pas aller contre. Inconsciemment, j'ai certainement pensé
à une capote tueuse avec des dents, ce qui était
en tant qu'artiste ma façon de réagir. "
 |
|
|
|
L'adaptation est réussie et même
les acteurs ressemblent à leurs modèles. Udo
Samel interprète le flic aux lunettes noires et à
la barbe de trois jours. Mais pour tourner le cliché
du héros macho en dérision, c'est un policier
homo qui ne résiste d'ailleurs pas au charme d'un
jeune homme, et qui est poursuivi par un ex, Bob, devenu
depuis peu " Babette ". Il est évident
qu'une certaine vulgarité pointe son nez de temps
à autre, comme la scène où l'on voit
l'ombre du sexe de Mackeroni (32 cm !) se dresser.
Mais c'est avant tout une énorme farce. Voir le flic
poursuivre une capote dans les couloirs d'un hôtel
flingue en main ou utiliser le tuyau du gaz pour l'appâter
est hilarant. C'est le plaisir du " n'importe
quoi ". Martin Walz s'en donne à cur
joie et en profite pour parodier Psychose et Les
Dents de la mer. Mackeroni découvrira qu'une
femme oblige l'éminent professeur Smirnoff à
créer ces préservatifs si particuliers, dans
un laboratoire secret. Son but : punir les hommes,
qui sont tous des pêcheurs. A l'intention de l'inspecteur,
elle a conçu une énorme capote prête
à dévorer la partie la plus importante de
son anatomie...
Mais Killer Kondom ne serait pas
le même film sans ses effets spéciaux. Jörg
Buttgereit et son équipe ont fait un travail étonnant,
réussissant à donner vie à des bouts
de latex. Les " Kondoms " sortent de
leurs boîtes, avancent et se contorsionnent et sont
aussi humains que le tapis volant dans le Aladin
de Disney. L'affiche du film insiste bien sur la fonction
de " creative consultant " de H.R. Giger,
le génial concepteur des créatures d' Alien
et de La Mutante. En fait, il arriva assez tard sur
le projet et Buttgereit avait déjà bien avancé
dans son travail. Très intéressé par
le thème de la castration, il fit de nombreux dessins
pour les décors et les préservatifs sanglants,
mais son optique n'était pas la même que celle
du réalisateur Martin Walz. " On aurait
pu faire Killer Kondom avec Giger, mais cela aurait
été un autre film. Il y a quelques détails,
quelques éléments, qu'il a dessiné.
Mais dans l'ensemble, cela ne valait pas la peine -c'était
plutôt un malentendu artistique. La collaboration
avec lui était très agréable. Il a
fait des propositions, mais la plupart auraient donné
au film un tout autre ton. "
Détail qui a son importance, Killer
Kondom a été intégré au
catalogue de la Troma, la société de films
Z de Lloyd Kaufman. Un signe qui ne trompe pas
 |
|
Les propos cités dans l'article sont tirés
du magazine officiel du film, " Alles über
Ralf Königs Kondom des Grauens " édité
par Alpha Comic Verlag et Edition Kunst der Comics.
|
|
 |
|
Titre :
Killer Kondom
Titre allemand
: Kondom des Grauens
Réalisateur
: Martin Walz
Scénario
: Mario Kramp, Martin Walz
Adaptation :
des bande dessinés Kondom des Grauens et
Bis auf die Knochen
Auteur : Ralf König
Interprètes
: Udo Samel, Peter Lohmeyer, Iris Berben, Marc
Richter, Leonard Lansick, Hella von Sinnen, Gerd
Wameling, Merit Becker, Otto Sander
Image
: Alexander Honisch
Montage
: Simone Klier
Musique
: Emil Viklicky
Son
: Jochen Hergersberg
Effets spéciaux : Jörg Buttgereit
Consultant créatif
: H.R.Giger
Production
: Ralph S.Dietrich, Harald Reichebner , Martin
Walz
Pays
: Suisse / Allemand
Public légal
: interdit - 12 ans
Sortie France
: 9 juin 1999
Durée
: 100 minutes
|
|