DERNIERE RAFALE POUR DELON
Parole de Flic a représenté
pour Alain Delon un retour aux sources. Deux rôles
inhabituels dans Un amour de Swann de Volker Schlöndorff
et Notre Histoire de Bertrand Blier l'avaient quelque
peu éloigné de son public. " Je
ne pouvais plus, après l'échec commercial
retentissant de Notre Histoire, enchaîner avec
un film de Téchiné dans un rôle à
peu près similaire : un homme complètement
détruit par une femme
(NDLA : une adaptation
de Lune de fiel) Je suis revenu à un Delon
pas forcément plus classique, mais à l'opposé
en tout cas de celui de Notre Histoire. (
) Il
me fallait casser net cette image et refaire tout de suite
un film d'action et d'aventures
Le Delon que, je crois,
les spectateurs ont envie de voir. " En s'inspirant
du postulat de Magnum Force, le scénariste
Philippe Setbon imagine un ex-flic affrontant un commando
de justiciers responsable de la mort de sa fille.
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En 1985, le polar d'action français
brûle ses dernières cartouches. En fait, le
genre décline en même temps que vieillissent
ses héros (Ventura, Belmondo, Delon). L'agonie se
terminera assez vite après un pathétique baroud
d'honneur (La 7e Cible, Le Solitaire ou Ne réveillez
pas un flic qui dort). A sa sortie, Parole de flic
est donc déjà un film daté, en complet
décalage avec des succès récents comme
La Balance, Les Spécialistes ou La Baston
(qui eux-mêmes ont subi depuis un sacré coup
de vieux). Pourtant, il se distingue nettement de productions
hexagonales similaires signées Lautner ou Deray.
Dans sa forme, Parole de Flic est davantage un polar
bis italien, que l'on imaginerait réalisé
par Enzo G. Castellari (Le Témoin à abattre,
Cobra) et interprété par Franco Nero.
Comme Castellari, José Pinheiro alterne les moments
de grâce et de ringardise sans sourciller. Les expéditions
punitives des tueurs cagoulés, la voiture de Delon
plongeant dans le Rhône au ralenti sur du Wagner,
etc. sont des séquences jubilatoires. A côté
de cela, Pinheiro est obligé de se plier aux exigences
du producteur Delon et sa marge de manuvre est immédiatement
limitée quand ce dernier apparaît à
l'écran. Il faut magnifier la star, son regard, son
corps, ses mouvements. La scène de remise en forme
du héros dans la salle de gym ou l'épilogue
sur une plage congolaise sont des moments d'autant plus
grotesques qu'ils accentuent le décalage du personnage
Delon par rapport au reste du film, voire par rapport à
l'époque.
Paradoxalement, Delon décide à
la fin du film de se mettre en danger. La séquence
du cirque, où l'ancien policier débarque sur
la piste habillé en clown pour piéger son
ennemi (Jacques Perrin), venu assister à la représentation
avec son fils, est proprement hallucinante. Alain Delon
perruqué et maquillé faisant le clown (devant
un vrai public, au cirque Pinder), voilà bien une
situation que l'on pensait réservée à
Belmondo (ce qu'il fit d'ailleurs cette année-là
dans Hold-up). Si la crédibilité de
la scène est discutable, l'idée même
de son existence fait montre d'une certaine audace. Démarche
ironique de la part du scénariste ? Ou ultime
bravade pour Delon qui reconnaît n'être pas
doué pour la comédie (Doucement les basses
de Jacques Deray est son unique tentative) ? Un peu
des deux, sans doute.
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Les propos d'Alain Delon cités dans cet
article sont extraits de Première
(n°101-août 1985).
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Titre : Parole
de Flic
Réalisateur
: José Pinheiro
Scénario
: Philippe Setbon
Directeur de la Photographie
: Jean-Jacques Tarbès
Musique :
Pino Marchese
Interprètes
: Alain Delon, Jacques Perrin, Fiona Gélin,
Vincent Lindon, Stéphane Ferrara, Jean-François
Stévenin, Eva Darlan, Aurelle Doazan, Joseph
Niambi Moe
Genre :
Policier
Année
: 1985
Origine
: France
Durée
: 1h 40
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