Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Philippe Garrel (c) D.R. LE REVELATEUR
de Philippe Garrel
par Philippe BEER-GABEL


SYNOPSIS : Stanislas Robiolles, mutin seulement âgé de 4 ans, sème la discorde dans le couple de ses parents et intente à leurs jours.

....................................................................

LE REVELATEUR

  Sauvage Innocence (c) D.R.

Sorti sur les écrans le 19 décembre dernier, Sauvage innocence, bien qu'il pâtisse d'une sortie pour le moins confidentielle, connaît un certain succès auprès du public. Ayant précédemment recueilli d'élogieuses et dithyrambiques critiques, les médias qui célébrèrent et adulèrent le dernier cinéaste de la sublimation participent de son retour sur le devant de la scène. Démiurge, refusant la société des monstres et des adultes sans passion, Philippe Garrel n'en est certes pas à son premier coup d'essai, mais Sauvage innocence sonne l'heure des retrouvailles avec un cinéma romanesque et inspiré. La ressortie aux éditions RE-VOIR du Révélateur, permet s'il en était encore besoin de légitimer la place de gourou spirituel (notamment pour Carax…) qu'occupe Garrel dans le cinéma français. Cette ressortie répond à une double exigence : faire la lumière sur les films ZANZIBAR, courant méconnu du cinéma français ; revisiter l'intarissable filmographie d'un de ces acteurs charismatiques. Réalisé un an après son premier long-métrage, le très contesté Marie Pour Mémoire, (œuvre qui lui permit d'échapper au service militaire, recevant le prix d'Hyères sous les sifflets du public.), Le Révélateur, premier film muet annonciateur d'une longue série s'avère en tout point un chef d'œuvre atypique. Le contexte politique de l'époque (Mai 1968) influe considérablement sur sa réalisation.

Garrel, parti sur les traces de Daniel Cohn Bendit exilé en Allemagne, est en effet bien résolu à se confronter aux autorités allemandes et filme, sans autorisation aucune, dans la Forêt-Noire. Cette tension, palpable dans les moindres parcelles de la pellicule, délivre un courant dangereux et soumet Le Révélateur à des pressions extraordinaires. Pressé par le temps et les policiers postés sur place, Garrel, en à peine une semaine, livre un film incandescent, aux fulgurants mouvements de caméras qui, dans leur fluidité, leur errance, développent une imagerie poétique, un onirisme puisé dans le théâtre et la peinture. L'histoire est mince, le canevas, libre aux plus extravagantes interprétations psychanalytiques, le récit circulaire, laissant l'esthétisme seul maître à bord.

Marie pour mémoire (c) D.R.

Le révélateur en question : Stanislas Robiolles, mutin seulement âgé de 4 ans, sème la discorde dans le couple de ses parents, intente à leurs jours. En fuite, la trinité avance au gré de paysages sombres et désolés, s'enfonce dans un psychodrame emprunt d'une rare et étonnante légèreté, loin évidemment, des longues logorrhées soixante-huitardes, verbiages sans intérêt pour le jeune et alors silencieux Garrel. Les acteurs fournissent une prestation de haut vol, inspirant stupeur et tremblement. Pantins désincarnés, ils offrent une fable Nietzschéenne à la mesure des obsessions garrelliennes. À égalité avec le décor qui les entoure et la lumière qui les immerge dans un océan noir et blanc, leurs corps, soumis à rudes épreuves, soulignent l'oppressant climat du tournage, sans jamais tomber dans la pose, et trouvent une expansion toute naturelle dans des cadres et un espace-temps indéterminés.

Éloge du langage basique, Le Révélateur et les routes sinueuses qu'il emprunte confinent le spectateur dans un univers intemporel, symbolique et en proie à l'autodestruction. Oscillant entre vie et mort, Le Révélateur, film clinique à la plastique sans âge et aux pouls négatifs livre un combat contre le froid, la misère, l'injustice que subit l'artiste. Mais ce n'est que dans ce désespoir, cette insalubrité chronique que Garrel puise sa matière filmique, et en ce sens, la précarité du matériel utilisée répond parfaitement à la permanente improvisation des acteurs funambules et aux impératifs consentis par Garrel lui-même. La lumière, par exemple, force de frappe animée par le mésestimé et génial Michel Fournier, à qui l'on doit entre autres les fameux éclairages à la lampe de poche de Marie pour Mémoire jusqu'à Athanor, nimbe les corps, reliquat d'un culte passé et dissout littéralement la pellicule. Qu'elle surgisse d'une porte ou d'un tunnel, la lumière procède de la pure apparition divine, Garrel s'employant à utiliser toutes les soi-disant failles de la technique à la faveur d'un noir et blanc très contrasté et de mouvements de caméras sur-signifiants (la récurrence de travellings latéraux qui passent pour des travellings circulaires comme dans Marie pour Mémoire…). Les plans suintent une poésie désespérée entre sous et sur exposition marquant l'alternance champ-hors champs, jour-nuit, éveil-sommeil, sous la menace d'une constante disparition. Un arrêt brutal du tournage, une crise nerveuse. Une réciprocité des rapports et un mimétisme troublant. Garrel n'hésite pas à se lancer dans des exercices théâtraux, ici, d'une certaine lourdeur.

Cependant, ils participent au savant jeu de dupes instauré entre Stanislas et ses parents. Les scènes, continuités d'un sketch, projections d'un conflit ancré au fin fond de la chair, composent un aller-retour entre futur hypothétique dont on connaît déjà l'issue ( " Je sais. C'est pas fini. Mais à quoi bon attendre la fin de la comédie quand on connaît déjà le gag final ? " dira-t-il.), et un passé, motif à controverse. L'enfant déclencheur de la crise pris comme médium de communication désaccorde l'harmonie parentale : le couple ne peut s'unir qu'à mesure qu'il perd son révélateur. L'enfant tue, se libère. Dans cette négation de leur personnalité au profit d'une cohésion parentale - sclérose des temps modernes - travellings et panoramiques renvoient l'autorité parentale au placard, et laisse l'enfant tyran seul maître de la traversée, et sans doute ultime sujet du cinéaste.



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




Titre
: Le Révélateur
Réalisation : Philippe Garrel.
Interprétes : Bernadette Lafont, Laurent Terzieff, Stanislas Robiolles
Financement : Anne Héliat et Sylvina Boissonnas.
Pays : France
Type : Documentaire 35mm
Durée : 62 min





Editions Re-Voir vidéos
:
site de l'éditeur vidéo du film
Le Révélateur : extrait vidéo 1

Le Révélateur : extrait vidéo 2