LE JEU DE LA REMEMORATION
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Manoel de Oliveira trace, à
94 ans, la carte de la ville de Porto qui le vit naître
et grandir. Cette ville qu'il connaît par cur
est pourtant floue, la carte comme le point. On peut ressentir
l'effort déployé par l'homme afin de rendre
net le souvenir, rendre cohérents les événements
qui s'enchaînent, retrouver un nom
Seuls les
sentiments semblent encore intacts, encore palpables malgré
le temps qui a passé, malgré le présent
que l'on découvre différent, à 1000
lieues du romantisme et de l'exaltation des jeunes gens,
anciennes promesses du Portugal du début du siècle.
Face aux changements, à la disparition, le reportage
est impossible en tant que tel. Il n'est qu'un témoin
du présent (bientôt passé), et le rend
froid, sans plus aucune passion.. Alors, le matériau
se diversifie. Les lieux disparus revivent grâce à
la reconstitution. On met alors un pied dans la fiction,
l'exactitude du reportage peut être assouplie, les
souvenirs incertains prennent une autre ampleur et s'affirmer
dans des situations, des phrases, des gestes qui peuvent
avoir été dits ou qui auraient pu être
dits, qui résument en tous cas les sensations, les
sentiments que le jeune Oliveira avait pu éprouver.
Ainsi du dialogue sur les femmes et l'amour, ainsi de la
longue scène d'une pièce de théâtre
dont le jeune Manoel réincarné ne se lasse
de se délecter. La reconstitution permet une vision
nouvelle de la scène, une vision que le jeune homme
n'aurait jamais pu avoir. Incarnant lui-même le personnage
masculin, le voleur, Oliveira se permet de contempler sans
retenue de temps ni d'espace, le nouveau visage de l'actrice
incarnée par Maria De Medeiros. Le jeune Oliveira
regarde le vieux, et reforme son passé, lui redonne
une mémoire qui, parfois, lui fait défaut,
en retrouvant un nom. Alors, les deux voix se chevauchent,
et le vieux laisse la place au jeune.
A l'instar du chef d'orchestre au
début du film, Oliveira devient maître du passé
et saisit tel ou tel instrument, en lui donnant plus ou moins
d'importance et de présence.
La photographie de la maison où
le réalisateur naquit et grandit reste floue, comme
si l'homme mélancolique ne se résignait pas
à réellement voir ces ruines, au son d'un
fado hypnotique. Les fantômes des amis et grands hommes
du Portugal hantent ce portrait double de Porto grâce
aux photographies. Mais qui pourrait valider les dires de
Oliveira, qui aime nous perdre dans Porto et dans ses souvenirs.
En faisant mine de nous faire visiter les lieux qu'il affectionnait,
Oliveira nous conte l'histoire de sa ville, politique, sociale,
cinématographique
Plus que jamais, Oliveira se plaît
à retracer les lieux qui marquèrent sa vie,
bien sûr encore plus visiblement, mais aussi plus librement
(le reportage est encore plus fictionnel que ses films de
fiction), en tous cas avec une nostalgie et une tendresse
non dissimulée devant le jeune Oliveira incarné
par son petit-fils.
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Titre : Porto
de mon enfance
Réalisation :
Manoel de Oliveira
Scénario : Manoel
de Oliveira
Interprétation
: Jorge Trepa, Ricardo Trepa, Maria de Medeiros,
Manoel de Oliveira, José Wallenstein, Rogério
Samora, Nelson Freitas, Jorge Loureiro, Antonio
Costa, d'Agustina Bessa-Luis, Duarte de Almeida
Peter Rundel
Image : Emmanuel Machuel
Son : Philippe Morel
Montage : Valérie
Loiseleux
Producteur : Paulo Branco
Production : Gémini
Films
Distribution : Gémini
Films
Année : 2001
Pays : Portugal
Durée : 1h01
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