SYNOPSIS :
Années 30, arrivée du nazisme au pouvoir en Allemagne. Les premiers
improductifs (les handicapés) sont supprimés par le régime,
gazés dans les douches des hôpitaux psychiatriques. Devant les
réactions du Vatican, l'extermination est annulée en apparence.
Mais celle des juifs va commencer. Années 40, seconde guerre
mondiale. La machinerie nazie se met en route pour fonctionner
à plein régime, jusqu'à la fin de la guerre et la défaite du
parti de Hitler. Entre temps, profondément choqué par celle
extermination, l'officier SS Gerstein, va s'acharner à sauver
le plus de prisonniers possible, tout en essayant d'avertir
le Pape Pie XII par l'intermédiaire d'un jeune jésuite, Ricardo
Fontana. |
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L'HISTOIRE, DE NOUVEAU EN MARCHE
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Mouvements. Mouvements des
dossiers, des trains de la mort, des prisonniers, des généraux,
etc. Tout n'est finalement que mouvement dans la machinerie
nazie que décrit Costa-Gavras dans son dernier film.
Ce mouvement que la caméra suit superbement, dans sa
volonté de montrer l'Histoire, qui selon la formule
de Toynbee, est " de nouveau en marche ".
Une scène symbolise le mieux tout le film : Kurt Gerstein,
scientifique travaillant pour les nazis, est présenté
par un tiers au médecin chargé de mettre en
place la solution finale. Un dossier passe alors des mains
de ce médecin, à celles de l'intermédiaire,
pour terminer dans celles du scientifique. Dossier suivi de
près par la caméra qui le fixe, ne le lâche
plus. Car ce dossier, à l'origine, parmi tant d'autres,
du génocide juif, montre la dimension implacablement
administrative de ce massacre. Le film prend sa force dans
ce désir de comprendre et de montrer la raison pour
laquelle ce génocide reste, n'en déplaise à
tous les nouveaux révisionnistes, partisans de l'égalité
devant le souvenir et l'Histoire, totalement unique et originale
dans sa morbidité. L'aspect administratif et "légal"
du génocide juif a par ailleurs succédé
à un désir de paix absolu (l'idée d'Alain
selon laquelle " tous les maux que nous voulons éviter
par la guerre sont moindres que la guerre elle-même
"). Oser montrer aujourd'hui cette différence,
est une grande preuve de courage de la part du cinéaste,
qui retrouve, le temps de quelques scènes, la puissance
de ses plus grandes œuvres.
Images fortes, celles des
trains de prisonniers juifs, trains vides ou pleins, dont
la répétition rythme le film, et rappelle le
fonctionnement ininterrompu de la machinerie meurtrière.
Pendant que certains discutent, simples spectateurs engagés
ou pas, l'administration suit son cours. " Les hommes
qui dirigeaient cette guerre n'ont rien voulu faire de manière
explicite pour les juifs " comme le dit Raymond Aron.
Et les trains remplis avancent vers les camps de la mort,
dont les rendements sont rapidement édifiants (voir
le décompte des morts dans la dernière partie
du sublime documentaire Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures).
Images glaçantes, échos de cette scène
où Gerstein observe avec effroi le résultat
de la solution finale, à travers le trou dans la porte
donnant sur une chambre à gaz. En jouant sur l'absence
volontaire du contre champ, Costa-Gavras définit la
solution finale comme l'horreur ultime, immontrable, indicible.
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Malgré toutes ses
bonnes intentions, le cinéaste, au lieu de centrer
son film sur la machinerie bureaucratique du génocide
juif, choisit de se disperser dans la deuxième partie.
D'où l'impression persistante d'assister à deux
films en un, proposant chacun un point de vue différent
sur une même période. En s'attaquant au terrible
sujet du silence du Vatican devant les massacres juifs, le
cinéaste se perd malheureusement dans une démonstration
ampoulée, dont la lourdeur est amplifiée par
le jeu appuyé de Mathieu Kassovitz. Ne sachant plus
que faire, tiraillé entre les supplications de certains
de ses cardinaux et ses sympathies allemandes, le pape Pie
XII garde le silence, ne fait rien pour défendre les
juifs, jugés par le parti nazi comme improductifs,
et responsables de la défaite allemande lors de la
première guerre mondiale. Alors que Pie XI avait condamné
l'Action Française de Maurras, et l'antisémitisme,
Pie XI joue le jeu des nazis en déclarant que "
le souverain pontife doit rester au-dessus de la mêlée
sil veut être le Père de tous ". Faits
admis depuis longtemps, retranscrits avec fidélité
par le cinéaste, mais dépourvus de toute l'ambiguïté
ou de la profondeur qui auraient rendu le film moins didactique.
Toutes les scènes situées au Vatican perdent
ainsi une grande part de leur intérêt. Pour le
cinéaste, tout le monde est coupable : il y a quelque
chose de pourri dans le plus petit Etat du monde. Costa-Gavras
enfonce les portes ouvertes en tentant de montrer que personne
n'a voulu lever le moindre petit doigt pour sauver les juifs.
Et commet la faute irréparable, l'erreur impardonnable,
en tournant son film entièrement en anglais. Tout le
monde se comprend, tout le monde parle anglais, qu'on soit
français, allemand, italien, ou polonais, et le film
perd toute la force que pouvait lui apporter cette barrière
de la langue effroyable dans un camp de concentration. Dommage.
Le cinéaste le plus primé du monde rate l'inscription
d'un nouveau chef d'œuvre à son palmarès.
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Titre :
Amen
Réalisation
: constantin Costa-Gavras
Scénario
: constantin Costa-Gavras, Jean-Claude Grumberg
D'après
: Le Vicaire
De :
Rolf Hochhuth
Photographie
: Patrick Blossier
Monteur
: Yannick Kergoat
Costumes :
Edith Vesperini
Mixage :
Dominique Gaborieau
Musique
: Armand Amar
Acteurs
: Ulrich Tukur, Mathieu Kassovitz, Ulrich Mühe,
Michel Duchaussoy, Ion Caramitru, Marcel Iures
Production
: Renn Productions, KG Production
Producteur
: Claude Berri
Producteur exécutif :
Michèle Ray Gavras
Distributeur
: Pathé Distribution
Sortie France
: 27 février 2002
Durée
: 2h 05 mn
Pays
: France
Année :
2001
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