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Mischka (c) D.R. MISCHKA
de Jean-François Stévenin
Par Nicolas CHEMIN


SYNOPSIS : L'été. Les départs en vacances. La France profonde entre Bourgogne et Gironde. Quatre personnages se rencontrent par une succession de hasards. A moins que ce soit le destin. Alors le vieux Mischka, l'infirmier Gégéne, l'ado fugueuse Jane et Joli-Cœur la rockeuse, vont passer quelques jours ensemble en voyageant vers la mer. Quelques jours pour mieux comprendre comment naviguer entre la famille qu'on a et celle qu'on se choisit.

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ROUTE EMOUVANTE


  Mischka (c) D.R.

Un plan-séquence virtuose, pour ouvrir un ballet de corps. De violents jump-cuts dépourvus de plan de coupe, pour en briser l’unité. Dans Mischka, la trajectoire de l’objectif est celle des personnages, de leurs liens tronqués puis reconstruits en marge d’institutions qui peinent à les épanouir. Sur la route des vacances, un insupportable quadragénaire sature l’espace sonore de sa bile franchouillarde. En une scène de ménage unilatérale, où l’interlocutrice blasée laisse glisser sur elle la logorrhée de son mari, Stévenin dresse le procès-verbal de la famille et par là même, un provisoire constat d’échec. Mischka, que son braillard de fils traite comme un chien, ne souhaite pas finir son voyage allongé dans le coffre du break. Il fugue.

De cet éclatement primitif (la femme ulcérée s’éclipse à son tour, laissant ses deux enfants aux soins du bourru), Stévenin recueille des fragments de vie, des errances marginales, pour les agglomérer. Le vieux presque muet, sa monstrueuse et épaisse silhouette au rythme de culbuto, engrènent une spirale de rencontres heureuses car défectives. Recueilli par un hospice bourguignon, il est kidnappé par son gardien alcoolique et loufoque, Gégène, lui-même rongé par sa mauvaise paternité. Plus loin, ils se lieront d’affection avec deux gosses dont l’aînée traverse clandestinement la France pour retrouver son géniteur, à un vieux garçon un peu simplet qui traîne sa quarantaine dans la maison maternelle, à une jeune gitane fatiguée des régulières escapades carcérales de son mari... Filiation de la cicatrice, qui régénère les tissus des déshérités et donne un lustre si émouvant à leur famille de fortune. Cette spirale utopique, à l’œuvre dans Mischka, rapproche Stévenin d’Eastwood : un tel road-movie hippie, visitant par un récit errant les grands espaces d’un pays en puisant dans le creuset de ses mythes, assume sa gémellité inconsciente avec sa traduction américaine, le western épique de Josey Wales, Hors-la-loi ou réduplicateur de Bronco Billy.

Mischka (c) D.R.
Le même rêve de sédentarité épanouie étreint ces saltimbanques, que la sédentarité aliénante a poussés sur la route. À chaque personnage revient la charge de mythifier sa carence (père absent, fille abandonnée, carrière avortée...), Stévenin s’appliquant à les incarner, monumentales, concédant de son objectif insistant une valeur déifiante à la symbolique débridée. Des bustes de statue glorifiés, un Johnny et son buste au statut fantasmé, le rêve d’imposition est au centre de Mischka. Mais l’issue en est invariablement douce-amère, déceptive mais réalisante. Lorsque les pèlerinages se heurtent à leur destination, c’est littéralement une démythification qui est à l’œuvre : la rencontre de son père n’a pas, pour la jeune fille, la saveur escomptée, de même que Gégène flanche et renonce au moment de revoir sa progéniture... Tous réunis dans cette odyssée de la légèreté, aucun n’en estompe pour autant la meurtrissure qui sous-tend leurs rencontres. Ensemble, ils travestissent leur souffrance en insouciance et assument une certaine folie.

La mise en scène de Stévenin, au diapason de ses personnages (lui-même est acteur dans Mischka, se confiant l’entité la moins équilibrée et la plus fantaisiste, par défaut d’affection...), ne distancie jamais son point de vue et naturalise leur déviance, inscrivant leur évolution dans l’exploration sensorielle de l’espace. Les mouvements d’appareil semblent adresser aux paysages de campagne une caresse d’aveugle sur les traits d’un visage. La bande-son en hérite une acuité décuplée et instrumentalise les atmosphères, alternant l’angoisse paranoïaque de la symphonie autoroutière et le paisible recueil de la nature champêtre. La topologie détaillée, nommant villes et régions, en appelle à la signifiance : ces exclus pas même désargentés (ils achètent des billets de train pour ne pas le prendre, des huîtres pour ne pas les manger...) trouvent en leur dernière arrivante un emblème de condition. Tous gitans, nomades par choix, ils dirigent leur escapade vers un camping au statut sociologique métaphorisé. Réunion provisoire d’éléments, autour d’un feu, au soir d’une étape, consumant dans un brasier commun leur rancune de la vie. Rythmé par ces moments de repos collectif, Mischka clame la communion de son bestiaire et revendique l’absence de personnage principal. Le sage patriarche éponyme, qui avait débuté la fiction en enfant incontinent ou en clébard galeux, ne doit son rôle-titre qu’au mérite ultime d’avoir initié, géniteur d’émotions, cette route émouvante.



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Titre
 : Mischka
Réalisateur : Jean-François Stévenin
Acteurs : Jean-Paul Roussillon, Jean-François Stévenin, Rona Hartner, Salomé Stévenin, Pierre Stévenin, Jean-Paul Bonnaire, Yves Afonso, Claire Stévenin, Elisabeth Depardieu, Patrick Grandperret
Scénario : Jean-François Stévenin
Photo : Pierre Aïm
Musique : Philippe Miller
Production : Arcapix
Distribution : Bac Distribution
Sortie France : 20 février 2002
Durée : 2h 06 mn
Pays : France, Suisse
Année : 2002





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