SYNOPSIS :
L'histoire véridique, sous le IIIe Reich, de Zishe Breitbart,
un forgeron juif polonais. Un jour, il est découvert
par un agent berlinois qui décide de tirer partie de
sa stature imposante. Hanussen, roi de l'hypnose et directeur
d’un cabaret de Berlin dédié aux formes occultes
sur scène, l'engage pour incarner des héros de
la mythologie germanique. Mais, un soir, il refusera de jouer
les Siegfried. |
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POINT DE VUE
Invincible est
un splendide film nomade à l'âme foraine. Werner
Herzog dessine les lieux d’une Allemagne bohémienne,
une carte du 20ème siècle dont le héros,
une bête de foire (un surhomme), sert de boussole et
de toupie. Au début d'Invincible, un ghetto
juif, des sans visages filmés de dos ; un air lyrique
en sourdine dévoile l'étoffe d'un plan-séquence
qui efface toute reconstitution historique. En projetant ensuite
Zishe dans les plaines, le parcours de Zishe se transmue en
odyssée digne des films de Cimino. À travers
les vies parallèles de ce juif errant apparaît
la symphonie dune ville (Berlin) et d'un pays vu du ciel :
le héros vaut ici comme le maillon d'un récit
carrefour, cirque ambulant aux nombreuses étapes (théâtres,
cabarets) portuaires.
Zishe, semble moins la cheville
ouvrière du peuple juif, dont il serait l'Elu, que
la plaque tournante d'un roman épique, qui ferait s'entrecroiser
Günter Grass (le côté Allemagne viscontienne
et soyeuse) et Joseph Kessel (l'espace de la ville considéré
comme un music-hall luxuriant). Les représentations
ou performances de Zishe redoublent son statut mythologique
: il incarne tour à tour le juif Samson, Siegfried,
un gladiateur ou un briseur de chaînes. Le mythe dans
Invincible s'inscrit dans le parcours du héros,
entre son adhésion nationale (à son insu), et
sa représentation scénographique immédiate,
récits ou légendes traversés d'éclairs
furieusement réalistes. La légende dédouble
le réel dans sa mécanique théâtrale
et interne, alternance littéraire entre évocation
de la montée insidieuse du nazisme, et comment l'esclave
défia l'empire (Hitler) ; et folle destinée
prolongeant le mythe d'Ulysse, comme les exploits, dans un
proche écho, de Monsieur Vertigo (de Paul Auster),
aux yeux d'une nation aveuglée portée au fanatisme.
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Dans Invincible,
Werner Herzog interroge la part mythologique du judaïsme.
La légende s'allie aussi au mystique, le prophète
(Zishe) à l'oracle (Hanussen). Celui-ci (interprété
par un Tim Roth terrifiant), incarne le double inversé
du héros : devin et voyant, il met en scène,
manipule le public en prônant les " pouvoirs de
l'occulte ", quand l'autre lui obéit avant de
se rebeller ; et d'incarner un Juste, Homme des foules qui
devient une énigme pour les nazis, être un surhomme
juif. Soit une relecture moderne et acérée du
juif David renversant Goliath, le surhomme aryen. La musique
traduit ce même jeu des alliances secrètes, dans
le croisement musical entre le divin (Verdi, le chant lyrique)
et l'intime (Mozart, la scène du concerto de Beethoven).
Film-caverne allégorique
aux trouées visionnaires (la vue d'un train, troublée
par l'air incandescent et des crabes rouges géants),
Invincible fascine. Entre son statut de film-itinérant
(sa mouvance infinie) et de film-aquarium (le monde du spectacle
emmuré dans un temple bleuté).
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Titre
: Invincible
Réalisateur :
Werner Herzog
Scénariste :
Werner Herzog
Directeur de la photographie :
Peter Zeitlinger
Acteurs :
T. Roth, J. Ahola, M. Raabe, G. Peter, U. Kier,
A. Gouarari
Costumes :
Jany Temime
Producteur :
Werner Herzog
Compositeurs :
Klaus Badelt, Hans Zimmer
Production
: Werner Herzog Filmproduktion, Tatfilm Production
Distribution
: Diaphana Distribution
Sortie France
: 13 mars 2002
Durée
: 2h 10
Pays :
Allemagne
Année :
2001
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