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Mémoire incertaine (c) D.R. MEMOIRES INCERTAINES
de Michale Boganim
Par Mathias HEIZMANN


SYNOPSIS : De Londres et Paris, quelque part entre deux époques, une jeune femme tente de reconstituer le visage d’un oncle disparu dont la vie mouvementée a pris des allures de légendes. D’archives en archives, de paroles en images, aux fils de souvenirs forcément brouillés, Mémoires incertaines est l’histoire de cette obsession qui accompagne depuis toujours la petite communauté des hommes : l’identité et l’origine.

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POINT DE VUE

Nous sommes venus d’une scène où nous n’étions pas. L’homme est celui à qui une image manque ". Si c’est principalement l’Antiquité qui préoccupe Pascal Quignard, cette réflexion empruntée à son livre " Le sexe et l’effroi " (1) pourrait s’appliquer à l’histoire du cinéma et singulièrement au premier film de Michale Boganim.

  Mémoire incertaine (c) D.R.

Derrière toute peinture ancienne, écrit-il encore, il y a toujours un livre – ou du moins un récit condensé en instant étique ". Sans doute. Mais l’écriture, pour autant qu’elle tente de fixer la parole dans ce conglomérat de bois et de colle qui fait les livres, restera toujours peu ou prou celle de la légende. Ainsi, nous nous inventons des pères, une généalogie, tout un cortège d’histoires qui nous rappellent que nous sommes au monde, et ce savoir porte en lui l’image de la mort impossible et de l’origine incertaine.

Ainsi, chacun a sa part d’ombre. Un absent vient souvent occuper la place du vide, ce gouffre qui nous constitue et qui fait les chimères. Un oncle par exemple. Celui-là, Michale Boganim l’a traqué avec l’obstination des quêtes impossibles, comme si le monde pouvait prendre sens au cœur d’un labyrinthe où s’enchevêtrent mémoire et intelligence.

Mémoire incertaine (c) D.R.
Il faut dire qu’il tombait de ciel, ce personnage hors du commun avec sa vie énigmatique construite comme un roman de John Le carre, son passé de résistant et son nom d’emprunt volé à une star du music-hall, comme pour signifier que la vie n’est qu’un théâtre à ceux qui en douteraient encore. De lui, peu de traces : quelques photos jaunies, les souvenirs de témoins vieillissants, un nom sur un registre, et une femme qui se tait, faute d’être autorisée à parler par celui qui fut son compagnon après la guerre. Et puis, il y a des kilomètres d’archives à consulter, un directeur de musée comme guide et toujours le souvenir obsédant d’un homme qui se dérobe aux yeux d’une petite fille, comme s’il se destinait depuis toujours à incarner la figure de l’absence.

Mission impossible donc, du moins s’il s’agissait pour Michale Boganim de ramener de cette étrange enquête un portrait un tant soit peu fidèle pour nourrir je ne sais quel roman. Mais dès les premières images, il est clair que le but est ailleurs.

  Mémoire incertaine (c) D.R.
Car le cinéma de Michale Boganim ne s’intéresse pas aux histoires pour ce qu’elles racontent – au sens d’une narration romancée - mais pour ce qu’elles disent. C’est-à-dire que derrière les récits des témoins, derrière chaque personnage, il y a une image manquante qui se dérobe au regard et qui, d’une certaine manière, fonde l’art. Est-ce pour cela que la caméra, si souvent, divise les visages et qu’elle cherche, dans chaque plan, à symboliser le vide ? Ou que le récit, fonctionnant à rebours, recherche obstinément un point d’origine où s’ancrer ? Difficile vraiment d’ignorer cette spirale d’images qui, au terme d’une demi-heure d’errance et d’interrogation douloureuse relayées par la voix sans timbre de la réalisatrice, nous ramène au point d’origine du récit : des photos jaunis qui constituent la mémoire visuelle des familles du XXe siècle.

Toujours est-il que Mémoires incertaines, à l’instar de Dust – l’autre film de Michale Boganim -, parvient à mettre en images et en symboles l’enchevêtrement de questions qui accompagnent l’humanité avec " la douleur d’être né et de devoir mourir ".(2) C’est cette capacité à fondre poétique et esthétique qui caractérise l’œuvre de Michale Boganim. Quelque part entre documentaire et fiction, son travail échappe aux classifications les plus courantes et impose au spectateur de renoncer au confort rassurant de l’étiquetage : Mémoires incertaines, à bien réfléchir, est tout simplement un grand film de cinéma…



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1) Le sexe et l’effroi de Pascal Quignard, édition Folio
2) La fabrique de l’homme occidental de Pierre Legendre édition des Mille et une nuits