SYNOPSIS :
En 1375, les seigneurs Ming renversent l’Empereur mongol qui
gouverne la Chine. Tandis qu’un nouvel empereur s’installe à
Pékin, les cavaliers mongols s’enfuient non sans avoir
enlevé une princesse de sang (Zhang Zihy). Une délégation
diplomatique et militaire coréenne menée par le
général Choi Jung (Joo Jin-Mo), en route pour
sceller une alliance avec le nouvel empereur, est condamnée
à l’internement par les autorités impériales
suite à un incident diplomatique entre la Corée
et la Chine. Par un concours de circonstances, ils croisent
la route des ravisseurs mongols et leur précieux otage.
Le général Choi Jung voit alors dans la libération
de la princesse un moyen de renouer les liens entre son pays
et l’Empire. Son plan réussit, et la petite troupe doit
dès lors rejoindre un lointain fortin où la protection
chinoise leur sera accordée. Mais la capture de la princesse
devient pour les mongols humiliés une question d’honneur,
et la traque commence… |
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POINT DE VUE
Les sorties très
espacées dans le temps d’exemples de cinéma
de genre coréen (Sur La Trace Du Serpent, Shiri,
LÎle) empêchent d’appréhender correctement
cette cinématographie féconde, qui fait déjà
les délices des DVDphiles. Cependant, l’imagerie d’un
cinéma coréen plein d’un " calligraphisme "
exotique, comme le décrit la critique française
avec une partialité qui évoque le sort dont
fut (est ?) victime le cinéma japonais, ne peut
que se modifier au vu de films comme Musa, qui se positionne
aux confluents d’influences japonaises et occidentales.
À l’heure où
le cinéma hong kongais s’impose (avec quelques années
de retard, quand même) comme un lieu du renouveau,
Musa a l’intelligence de s’inscrire dans une tradition
qui doit peu à Hong Kong, qui, par manque d’espace,
a tendance à l’agoraphobie et à préférer
le détail au plan d’ensemble - voir les paysages clôturés
sur le chromo dans Les Cendres du Temps de Wong
Kar Wai. Musa s’ouvre au contraire à tous les
vents, brasse les genres et les influences avec vigueur et
inventivité. Musa est une belle histoire qui
nous fait retrouver l’épopée dans ses déchirements
mythiques, son nomadisme, sa trivialité aussi, ce goût
homérique pour les corps déchirés, les
blessures saignantes. Mais, ce plaisir cruel à voir
les bras et les têtes voler, qui évoque immanquablement
les massacres grand-guignolesques des derniers feux du Chambara
(film de sabre japonais), se fragmente et s’éparpille
dans un filmage heurté qui doit autant aux affrontements
barbares du Gladiator de Ridley Scott qu’aux recherches
formelles d’un Tsui Hark. Au-delà de ça, le
film acquiert cependant une singularité dans l’attention
qu’il porte aux victimes : la mort d’un être humain
n’y est jamais gratuite, au spectacle de la violence succède
toujours le sentiment d’amertume face à une vie perdue.
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La fuite en avant de la
petite troupe coréenne, dont les motivations chevaleresques
sont intelligemment mises sur le compte de l’inexpérience
de son chef, convoque la situation du western de la Traque,
ce sous-genre " désenchanté "
typique du western finissant et dont la Horde Sauvage
constitue l’un des chefs d’œuvre. Le cinéaste Kim Sung-Su
cite dans ses influences majeures Sam Peckinpah, et cette
filiation se justifie. La trajectoire de la Traque, qui convient
à un questionnement tragique du rapport entre l’Ancien
et le Nouveau, est ici renouvelée car la troupe coréenne
chemine dans un territoire inconnu. Étrangers dans
un pays en crise, ou la Loi est étrangement absente,
ou plus exactement vacante (le vieux fort abandonné,
vestige d’une puissance déchu), ils sont les victimes
de l’Histoire, et en viennent malgré eux à en
subir les dernières conséquences. En protégeant
une princesse sans trône, puis une populace égarée,
la troupe coréenne en vient à s’identifier à
la Loi absente, au point de s’y substituer.
Le cinéaste Kim Sung-Su cite également dans
ses influences majeures Akira Kurosawa. Musa peut certes
être rapproché de Kagemusha dans sa description
d’une identification qui en vient à se substituer au
" véritable " gardien de l’ordre,
mais l’hétérogénéité de
la mise en scène, oscillant entre le classicisme appliqué
et l’hyperbolique de ses séquences spectaculaires,
obéit trop à un principe du séquençage
si typique du cinéma de genre contemporain pour pouvoir
être comparé à l’unité classique
du Maître Japonais. On préférera évoquer
l’influence du cinéaste King Hu, dont le souvenir du
splendide Touch Of Zen affleure à de multiples
reprises dans Musa. On y retrouve ainsi un constant
souci du raffinement, presque précieux, de la forme,
et une critique de l’héroïsme, dont les motivations
obéissent toujours à des raisons triviales.
Les fulgurances de violence, les brutales saillies de la lâcheté
humaine, s’harmonisent ainsi dans un récit sans illusion
quant à la " grandeur " de l’Homme.
À cet égard, le final, bien qu’obéissant
à une exaltation du sacrifice héroïque
cher au cinéma de genre post-Peckinpah, en montre aussi
l’absurdité suicidaire.
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