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Irréversible (c) D.R. IRREVERSIBLE
de Gaspar Noé
Par Cyril ROTA


SYNOPSIS : Parce que le temps détruit tout. Parce ce que certains actes sont irréparables. Parce que l’homme est un animal. Parce que le désir de vengeance est une pulsion naturelle. Parce ce que la plupart des crimes restent impunis. Parce ce que la perte de l’être aimé détruit comme la foudre. Parce ce que l’amour est source de vie. Parce ce que dans un monde bien fait le tunnel rouge n’existerait pas. Parce ce que les prémonitions ne changent pas le cours des choses. Parce ce que le temps révèle tout. Le pire et le meilleur.

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POINT DE VUE

  Irréversible (c) D.R.
Tout a déjà été dit ou presque sur ce film conçu pour faire parler (de lui, de son sujet…). Gaspar Noé, en contestataire absolu (un esprit de contradiction des plus acerbes, à en juger par ses interviews) est précisément le genre de personnage choyé par les médias : scandale cannois organisé et millimétré (le réalisateur a sans doute dû répéter son - contre - discours trois mois à l’avance). Il livre un film parfait pour alimenter les colonnes de la presse spécialisée qui se fendra d’un incontournable " Pour / Contre " tant le film s’évertue à ce qu’on ne puisse pas l’aimer mais qu’on se sente fâcheusement conservateur en l’abjurant.

Car effectivement, il nous propose une vision expérimentale parfois intéressante de la violence et certains aspects s’imposent comme réellement captivants. La réflexion sur le temps qui détruit tout et son caractère " irréversible " est un sujet parfaitement cinématographique (la bobine qui se déroule inlassablement). Mais là aussi, nous sommes face à une inégalité. Le procédé d’inversion de la narration modifie la perception du film par le spectateur : commençant par une apocalypse programmée, celui-ci anticipe la suite, alors inévitable et prévisible, sur laquelle on ne peut agir. Monté à l’endroit, le propos eut été plus incertain, une escalade dans la violence sans le moindre intérêt. Seulement, malgré la justification du procédé, il n’empêche pas d’inévitables moments d’ennui où la faiblesse du propos se fait cruellement ressentir. On en vient même à se demander quel est l’intérêt de montrer la scène de viol très graphique, si ce n’est, évidemment pour choquer gratuitement. Car on ne peut même pas imaginer qu’elle sera l’élément déclencheur de la rage de Vincent Cassel puisqu’il n’y assiste pas. S’il se l’imagine, pourquoi est-ce que le spectateur, lui, est tenu d’y assister ? Pour le plaisir de repousser encore plus loin les limites de la violence au cinéma et dénoncer le caractère profondément mauvais de l’homme répondant à ses instincts animal. Un plaisir graphique donc, mais pas complètement assumé, à l’inverse d’un Baise-moi à la violence manga, simple et immédiate, dont la gratuité tient de l’acte politique. Ici on se répand dans une morale finalement, elle, bien conservatrice, et qui brasse d’insupportables poncifs dans les vingt dernière minutes montrant le couple Cassel / Bellucci dans son intimité (mon dieu, elle était enceinte ! Adam et Eve, quelle belle métaphore ! Et puis, allons-y c’est gratuit, l’origine du monde, sous fond de Beethov’ ; je me compare à Kubrick, ça peut pas faire de mal …). Mais là non plus, ce n’est pas complètement inintéressant dans le sens où l’on sait que le couple de l’écran en est un à la ville et que nous sommes dans une position de voyeurs, travaillant aussi la frontière entre le personnage et l’acteur. On se dit alors que le " making-of " doit être bien plus intéressant que le film…

Irréversible (c) D.R.
De symboles, il en est bien question dans l’univers de Gaspar Noé, à commencer par les noms incongrus qui jalonnent le parcours : le violeur s’appelle le Ténia, la boîte gay, le Rectum (on remarque au passage la grande poésie de l’auteur et la finesse de la métaphore) ; ou le sens graphique des mots comme le fameux Passage qui génère le propos. Cet univers second degré où les personnages s’écrient des " fist moi " dans une boite à baise qui fait penser au 7eme cercle de l’enfer de Dante, aurait pu constituer une vraie réussite. D’autant plus que les deux scènes de meurtre sont très intenses et l’ambiance glauque distillée à merveille, démontrant le potentiel du cinéaste pour explorer la noirceur de l’esprit humain. Mais dès qu’il effleure un point intéressant, le cinéaste repart sur autre chose, comme effrayé par ses propres idées.