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Punch-drunk love (c) D.R. FESTIVAL DE CANNES 2002
Sélection officielle

PUNCH-DRUNK LOVE

de Paul Thomas Anderson
Par Gilles LYON-CAEN


SYNOPSIS : La vie de Barry Egan est simple. Entre son travail et ses sept sœurs, le grand jeune homme na jamais eu le temps de faire sa vie ou de tomber amoureux. Depuis qu'il est tout petit, elles l'accaparent, le conseillent, le dirigent sans répit. L'arrivée dune mystérieuse femme et d'un harmonium pourraient bien changer tout cela.

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POINT DE VUE

  Punch-drunk love (c) D.R.
Punch-Drunk Love commence dans un hall désaffecté, un garage sans voitures : sur la gauche du cadre, pan d'espace vide et étiré au format panoramique, un employé se plaint au téléphone des méthodes employées pour une notice qui devrait le faire bénéficier d'offres spéciales. C'est le premier trait de pinceau d'Anderson. Touche bleue sur fond blanc. D'emblée une impression de conversation anodine ouvrant sur une lutte face au grand tout abstrait et cynique. D'emblée aussi, l'individu face à un système social dont on connaît la voix, mais dont on ignore l'identité.

Cet employé, Barry, a sept sœurs. Il fait appel aux services (" Love by call ") d'une société anonyme qui se met à lui extorquer de l'argent. La rencontre avec une collègue d'une de ses sœurs et l'arrivée impromptue d'un harmonium devant son lieu de travail finissent d'achever le tableau. Ce qui fascine dans Punch-Drunk Love ? Moins l'ignorance du monde de Cruchon-Cruchonne (Adam Sandler et Emily Watson en couple d'imbéciles heureux), que l'entreprise de destruction de ceux-là mêmes qui l'ont tissé. Pas étonnant que cette caste invisible, emmenée par les sœurs envahissantes de Barry, entraîne chez lui des accès de fureur. Fabuleux personnage de cinéma que Barry Egan. Lors d'un dîner avec Lena, il défonce les murs des toilettes ; prié de déguerpir, il refuse, son visage même exprimant la négation, le pur mensonge dans ce qu'il renferme d'enfantin, d'innocent. On touche ici à l'autisme, à la folie furieuse du personnage.

Punch-drunk love (c) D.R.
Mais Punch-Drunk Love ne se réduit pas à l'expressivité et à l'invention inouïes du jeu d'acteur (les yeux d'Huskey d'Emily Watson, les pas de danse dans le supermarché d'Adam Sandler), ni aux blocs d'innocence et de fureur contenues des personnages soudainement jetés à la face du monde. Ce qui sidère, ici, réside dans l'utilisation de l'espace cinématographique, qui devient une scène mouvante sur laquelle glissent et chutent les corps. Glissades immobiles : Barry sort de son bureau en trois temps : dos, profil droit, profil gauche. Anderson chorégraphe et régisseur présente un don réel pour les spectacles lumineux (les lumières scintillantes de l'arrière-plan), sa palette pointilliste donnant vie au bleu de la nuit, au gilet rose de Lena. D'un travelling arrière accompagnant le couple à la sortie d'un restaurant naît une douce épaisseur cotonneuse. Ce ralentissement, bascule en apesanteur, signe autant la nature flamboyante et doucereuse du couple, qu'un nouvel usage du Technicolor. Le bleu éthéré, l'impression d'éveil nocturne du couple, font écho aux années 50 pour l'aspect "comédie musicale de luxe" ; aux années 70, pour l'intriguant désenchantement qui émane toujours des plans généraux gorgés de luminosité ou enclins aux couchers de soleil.