POINT DE VUE
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En 1997, le film documentaire
The Big One avait été un événement
cinématographique lors de sa sortie en France. Déjà
Michael Moore se mettait en scène dans son propre
documentaire, notamment lors dun entretien avec le
patron de Nike, qui restera dans les annales du genre. La
sélection du Festival de Cannes de cette année
contient le dernier opus en date de ce réalisateur
provocateur : Bowling For Columbine.
Michael Moore multiplie les rencontres,
mélange ses propres images avec celles issues de la
télévision, du passé guerrier de lAmérique,
dimages animées, dimages issues des caméras
de surveillance de lécole de Columbine au moment
du drame. Lesprit toujours en alerte, il ne se fixe
aucune limite pour mener son enquête, dont le cadre
est la psychose de la violence et de la peur aux Etats-Unis.
Les raccourcis sont fréquents pour mieux mettre en
évidence les propos absurdes de ses interlocuteurs,
notamment ceux de Charlton Heston membre éminent de
la NRA (National Rifle Association). A la fin du film, le
passage avec lacteur mythique de Ben Hur, à coup
sûr modifiera notre appréciation de lhomme,
tenant un discours proche des thèses les plus extrémistes.
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Ces provocations peuvent en irriter
certains, mais lorsquelles amènent lun
des propriétaires de supermarché, K-Mart,
à sengager à retirer sous 9 mois de
ses rayons la vente de balles pour armes à feu, on
ne peut que sincliner face au pouvoir des images et
à lutilisation quen fait Michael Moore.
Le premier jour de sa visite au siège de K-Mart,
il attend plusieurs heures avec deux victimes de la fusillade
de lécole de Columbine, dont les corps contiennent
encore des balles qui nont pu être retirées,
sans pouvoir rencontrer les responsables de la société.
Le lendemain, Michael Moore fait jouer à lévidence
ses relations : débarquement de journalistes, dizaines
de caméras devant le siège de la société
pour couvrir lévénement. Objectif réussi
: K-Mart cède.
Les exemples de ce type se multiplient à lécran.
Michael Moore cest le gars qui se pose des questions
avec simplicité, prend son bâton de pèlerin
(sa caméra) et va rencontrer ceux qui ont fait une
actualité qui lui pose problème pour tenter
dy apporter des réponses, en tout cas pour
mettre en évidence les complexités dun
système voire ses aberrations. Il sagit là
dun " work in progress " dune efficacité
redoutable tant lenchaînement des situations
est évident. En suivant sa réflexion, ses
interrogations, Michael Moore prend position, sengage
politiquement. Cest certainement la principale force
du film. Depuis les années 70, les films documentaires
engagés, militants, ont presque disparu de nos écrans.
Ce retour doublé dune mise en scène
(en particulier due au montage) au ton humoristique apporte
une fraîcheur que seul le cinéma indépendant
américain, très loin des majors et de leur
satellite (Miramax, etc), est capable de produire.