SYNOPSIS :
Dans sa grande maison perpétuellement plongée
dans la pénombre, et d’où le film ne s’échappera
qu’à sa clôture, Lilian, massive et silencieuse,
héberge des enfants de l’assistance publique ainsi que
des vieillards en pension. Seule, elle s’occupe de sa " famille ",
leur prodiguant tous les soins que demande l’entrée dans
la vie - et sa sortie. |
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POINT DE VUE
Lilian
pourrait passer pour le portrait pittoresque d’une femme,
exemplaire par son dévouement et sa compassion. Mais
dans ce documentaire fiction, c’est ce qui s’offre comme " réaliste "
qui peine à convaincre. Le regard du cinéaste
se fait ainsi le témoin de la dignité et de
la sagesse de Lilian dans des notations naturalistes convenues
(l’anniversaire d’une des fillettes, qui dégénère
en dispute entre les parents divorcés, est grotesque).
La beauté étrange de Lilian se situe ailleurs,
et c’est précisément le " pittoresque "
qui éparpille parfois le film. Entre chronique et conte
fantastique, Lilian s’offre comme un récit mythique,
fondé sur les figures matricielles du cycle, et des
dualités originelles.
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L’organisation de la maison,
construite en " paliers ", devient par
la mise en scène de David Williams un système
esthétique rigoureux opérant sur des dualités
fondamentales. La richesse expressive des entrelacements entre
enfance et vieillesse, vitalité et morbidité,
s’exprime tout particulièrement dans les subtilités
fanées de la lumière. Ce système formel
s’accorde à la rigueur domestique de Lilian et lui
confère les caractéristiques du rite. De bout
en bout, Lilian restera un personnage mystérieux :
ses quelques soliloques en voix off, s’il explicite son amour
des enfants et des vieilles personnes par une enfance malheureuse,
sont d’une banalité qui peine à justifier son
dévouement. Le film n’en a en effet pas besoin pour
faire de Lilian une figure maternelle qui confine au sublime
dans son abnégation. Les personnages secondaires, visiteurs
ou amis, s’étonnent d’ailleurs de son courage et
de sa force. Mais il semble y avoir comme un parfum de malédiction
dans ce dévouement si extrême qu’il en devient
incompréhensible.
A plusieurs reprises, Lilian
se réfère à sa croyance dans l’existence
d’un monde des esprits. La maison se peuple ainsi de pensionnaires
invisibles, auxquels Lilian prête la même attention
qu’aux " vivants". Une courte séquence
nous la montre ainsi se faire violence pour répondre
au carillon de la porte d’entrée, alors qu’elle s’apprête
à se reposer pour quelques instants : outre les accents
impérieux du mythe sisyphien (vieillards et enfants,
sans relâche, épuisent Lilian jusqu’à
la souffrance), la scène sécrète une
interrogation angoissante, l’ambiguïté demeurant
sur l’identité du visiteur. D’autre part, la pénombre
perpétuelle qui baigne les lieux, la profusion de bibelots
soigneusement disposés, et qui convoquent chacun le
souvenir d’enfants que Lilian a élevé, confère
au film une qualité atemporelle et funèbre.
Cette vieille maison a en effet tout du décor fantastique.
Cependant, le film insiste sur l’"impermanence" de ce quotidien :
le bail de Lilian arrive à son terme, l’avenir s’annonce
incertain. Mais par le souvenir d’une précédente
maison, la " mission " de Lilian transcende
les espaces, elle est susceptible de se régénérer
où qu’elle aille.
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