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Onze minutes, neuf secondes, une image (c) D.R. 11’09’’01
ONZE MINUTES, NEUF
SECONDES, UNE IMAGE

de Samira Makhmalbaf,
Claude Lelouch, Youssef Chahine,
Danis Tanovic, Idrissa Ouedraogo,
Ken Loach , Alejandro Gonzales
Innaritu, Amos Gitaï, Mira Nair,
Sean Penn, Shohei Imamura
Par Gilles LYON-CAEN


SYNOPSIS : Ce film collectif rassemble onze courts métrages d'une durée chacun de onze minutes et neuf secondes, réalisés par onze réalisateurs. Tous ont pour inspiration commune les événements du 11 septembre 2001.

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POINT DE VUE

11’09’’01 est une œuvre hétérogène, constituée de onze points de vue, chacun de onze minutes et neuf secondes plus une image. Cinéaste ou pas, prudence est le maître-mot : il est de bon ton d’être humble face à un tel sujet. Ici, certains films, conçus dans l’urgence, énoncent une réflexion très ambiguë, en particulier chez Amos Gitaï et Ken Loach. Il s’agit pour le premier de témoigner, par des moyens qui procèdent de la prise d’otage, de la résonance de l’événement en Israël ; pour le second, de saisir la répétition de l’Histoire, dans une comparaison entre le coup d’état de Pinochet le 11 septembre 1973 et le 11 septembre 2001.

  Onze minutes, neuf secondes, une image (c) D.R.
Ce qui insupporte dans le film d’Amos Gitaï ? D’abord le concept : remettre en scène un attentat dans les rues de Tel-Aviv, le lendemain même de l’attentat. S’emparer de l’horreur pour la dupliquer une seconde fois, mais pour de faux. Un simulacre de fiction documentaire qui s’accorde parfaitement au style direct du cinéaste : caméra à l’épaule, prise de vue en son réel, arrivée immédiate des médias et des équipes de secours… On pourrait croire un instant à une mise en boîte au sens premier et figuré de ce petit monde en soif de scoop : filmage du bocal pendant l’implosion, cadre claustrophobe où s’agitent des mouches agglutinées les unes contre les autres. Mais nul procès médiatique ici, plutôt la tentative de montrer que le 11 septembre 2001, un autre attentat frappait d’autres victimes, loin des caméras du monde entier. Dans la démarche de la journaliste qu’a choisi d’épouser la caméra de Gitaï au cœur de l’action, qui ordonne de passer à l’antenne pour couvrir l’attentat (et ce malgré la nouvelle de l’attentat à New York) et qui finit par s’éloigner en pleurnichant, on est frappé de voir et reconnaître, à travers la fureur de la journaliste, le manque de tact et de recul du cinéaste lui-même, et ce qui en découle, son manque de sens critique. En sondant la résonance de l’événement dans le monde entier par des voies complexes et réactionnaires, ceux-là mêmes qui plaident en faveur des victimes en deviennent terroristes malgré eux.

L’événement unique du 11 septembre 2001 a tellement ému Ken Loach qu’il a eu envie de concocter un petit montage d’archives en teintes bleues-grises, à la mémoire des opposants au coup d’état de Pinochet, le 11 septembre 1973. Drôle d’amalgame : on sait que les Américains ont appuyé Pinochet et Ben Laden (grâce à la CIA), mais le Général ne s’en est jamais pris aux Etats-Unis. Et comment expliquer la nostalgie partisane de Loach, symbolisée par un écrivain chilien ridicule, qui s’écarte complètement du sujet ? La complaisance pour Gitaï, l’amalgame et le hors-sujet anti-américain de Loach, le grand écart du film consternant de Mira Nair : mais où s’arrête la liberté d’expression des réalisateurs ? Le film de Mira Nair conte l’histoire d’une famille américaine d’origine indienne et de leur fils disparu à la suite des attentats, puis recherché en tant que terroriste avant d’être proclamé héros du jour au lendemain pour avoir aider à retrouver les vivants sous les décombres, parmi les pompiers. Et alors ? Alors, rien. Le 11.09.01 mériterait qu’on en parle en tant que tel, qu’on cesse de prendre des détours anodins censés raconter les à-côtés des attentats (Nair), reconstituer un attentat israélien (le pire n’a lieu qu’une fois) comme si on y était (Gitaï), ou en réduisant l’événementiel dans la forme comparative (Loach), afin d’y trouver un sens commun, une éventuelle conséquence du passé, ou pire encore, d’y voir inscrit, dans la violence inouïe et unique du 11.09.01, la fatalité de l’Histoire.