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La Mémoire dans la peau (c) D.R. FESTIVAL DE DEAUVILLE 2002

LA MEMOIRE DANS LA PEAU

de Doug Liman
Par Gilles LYON-CAEN


SYNOPSIS : Au sud de Marseille, un bateau de pêche repère en pleine nuit le corps d’un homme ballotté par les flots. Un vieux marin extrait de son corps deux balles et de sa hanche une petite capsule holographique indiquant un numéro de compte à Zurich. L’homme s’éveille, amnésique, retrouve des forces et se découvre des dons mystérieux : il parle couramment plusieurs langues, possède d’exceptionnelles capacités d’observation, est doué pour la lutte et l’autodéfense. Le rescapé gagne Zurich et se rend à son coffre, où il découvre une mallette contenant un passeport au nom de Jason Bourne et six autres documents d’identité de diverses nationalités, ainsi qu’un pistolet et plusieurs millions de dollars…

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POINT DE VUE

  La Mémoire dans la peau (c) D.R.
Au milieu d’un champ vide, un homme à terre demande l’identité de celui qui vient de l’abattre : " Paris ? ", " Londres ? ", " Rome ? ". Ce tireur d’élite, qui s’apprête à mourir, interroge son assassin, invoque sa ville, puis la solitude dans la fuite - la clandestinité. Nulle lutte entre ces deux-là, mais un seul accord, un échange né de l’adversité. Quelque chose d’émouvant émane déjà d’une neutralité qui désenclave la tension, la soulève : quoi de plus humaniste qu’une scène de cinéma d’action où les codes se disloquent, se suspendent dans une brève effusion pure, presque inutile, entre deux adversaires ? Un seul instant et le lyrisme l’emporte à la logique d’action ; quand, brusquement, le simple élan de la scène fait vaciller les schèmes de la lutte, du meurtre sauvage et autres chasses à l’homme.

La chasse à l’homme focalise les principes, solides et routiniers de ce cinéma d’action, dont La Mémoire de la peau semble, aujourd’hui, le pur emblème, l’esquisse théorique. Jason Bourne est un corps retrouvé dans la mer criblé de deux balles, et porteur dans sa hanche d’une capsule holographique indiquant un numéro de compte à Zurich. Né amnésique, né coureur de fond, selon l’adage de Doug Liman. La chasse à l’homme se présente comme l’enveloppe apparente et le double fonds du film. La nouveauté, ici, réside pourtant dans le principe très simple du jeu de l’oie : pourchassé de Zurich à Paris par une organisation secrète, Bourne, pour ne jamais être dépassé, doit sans cesse courir, sauter de case en case. Mais aucune obligation de connaissance de soi, tout au long de la fuite, plutôt l’occasion proprement hallucinante de découvrir ses propres forces, décupler sa part d’unicité dans une projection en avant illimitée. La Mémoire dans la peau où les aventures d’un anonyme proclamé super-héros malgré lui, splendide surhomme qui ne cesse de naître à rebours. Mais si d’abord, stupéfait la parenté avec le monde désincarné d’Incassable de Night Shyamalan, elle s’efface ensuite rapidement : il ne s’agit plus, comme dans le précédent modèle Incassable, d’une soustraction de soi dans la chute, mais d’une addition ou (dé)multiplication de soi dans le bond en avant. Plus besoin pour l’amnésique de reconnaître ses traits mais d’en arborer d’autres, plus performants, qui vont déclencher, parfois par retour d’automatismes, son instinct de survie et sa science de rescapé.