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Le Grand Silence (c) D.R. ETRANGE FESTIVAL 2002

LE GRAND SILENCE

de Sergio Corbucci
Par Yves GAILLARD


SYNOPSIS : Dans la petite ville de Snow-Hill, en 1898, une horde de chasseurs de prime mené par l’ignoble Figueiro (Klaus Kinski) profite tranquillement d’une poche de hors-la-loi réfugiés dans les montagnes pour augmenter leur capital. Et comme ils valent autant morts que vif, les cadavres s’accumulent. L’arrivée de Silence (Jean-Louis Trintignant), tueur qui ne se différencie des autres que parce qu’il ne dégaine qu’en état de légitime défense, va-t-il rétablir l’ordre ?Un nouveau shérif, mandaté par le gouverneur, est dans tous les cas déterminés à faire de nouveau régner la Loi à Snow-Hill.

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POINT DE VUE

  Le Grand Silence (c) D.R.
Il existe deux versions du Grand Silence : celle qui est connue en Europe, et qui fit pour beaucoup pour la renommée du film de par la noirceur absolu de son final ; et la version avec " happy end " destinée à l’exploitation américaine. Ce fut la version européenne, en VF, qui fut projetée ce soir, plus pour des raisons de compréhension qu’à cause de la difficulté de trouver une copie de la version alternative. On peut le regretter, mais pas bouder son plaisir devant l’occasion de voir les plaines de Snow-Hill sur grand écran.

Échec public à sa sortie, Le Grand Silence s’est rapidement imposé comme un des chefs d’œuvre de son réalisateur Sergio Corbucci, et l’un des meilleurs " western-spaghetti " jamais réalisé. Entièrement tourné dans les paysages enneigés des Dolomites, le Grand Silence impose d’emblée un univers sauvage et morbide, où le mythe de la Conquête n’est plus qu’un lointain souvenir. La communauté humaine est désagrégée, dans un No Man’s land funèbre où l’argent régit toutes les interactions sociales, et où la vie d’un homme ne vaut que le montant de la prime mise sur sa tête.

Le Grand Silence (c) D.R.
Il y a parfois des coïncidences fascinantes dans l’histoire du cinéma : ainsi la réalisation, la même année (1969), du Grand Silence et de Goyokin (La Terreur des Sabais en VF !) d’Hideo Gosha. L’emploi étonnant de la flûte Kakuashi, porteuse d’une tonalité tout orientale, par Ennio Morricone dans le Grand Silence incline à penser l’antériorité de Goyokin. Mais ces deux films terminaux, reflet dégénéré de l’agonie du cinéma de genre, sont si proches dans leurs propos et leur situation qu’on a peine à croire à un hasard. Même recours au paysage enneigé pour dépeindre un monde sans espoir, même fascination pour la chair morte et la décomposition… 1969, année zéro du cinéma de genre ?

À la re-vision, la particularité du Grand Silence est d’accorder à la question de la Loi une place première. Sur la trame minimale du western-spaghetti, le scénario fait retour sur une situation plus typique du western hollywoodien, toujours soucieux de la question politique de l’ordre public. Le personnage du shérif balourd, scrupuleux comme un fonctionnaire et désireux de rétablir l’ordre par des moyens légaux s’offrirait presque comme le personnage principal de ce récit désespéré. Sa croyance en la toute-puissance de la loi ne vaut cependant rien face à une réalité chaotique que les décrets mêmes ont conduit à créer. Le Grand Silence procède alors pour beaucoup du collage, d’une juxtaposition tonale entre deux situation du western.