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Les Diables (c) D.R. LES DIABLES
de Christophe Ruggia
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Ils sont deux à fuguer sans arrêt, un garçon et une fille, frère et sœur, âgés d'une douzaine d'années: Joseph et Chloé. Deux enfants perdus, abandonnés à la naissance. Chloé ne parle pas, hors du monde, et ne supporte pas qu'on la touche. Elle dessine toujours la même maison. Elle marche aussi, droit devant elle, un drôle de sourire sur le visage, comme si ses pas la conduisaient vers un endroit précis. Joseph, lui, organise les fugues, puis la suit, la protège, persuadé qu'elle veut retrouver la maison de leurs parents. Qu'elle en a le pouvoir. Et qu'une fois là-bas, son but atteint, elle guérira. C'est son rêve, à Joseph : avoir une maison à lui, une famille, une sœur avec qui il puisse communiquer et jouer... Une sœur qui lui rende un peu de l'amour insensé qu'il a pour elle.

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RECHERCHE (RE)PERE DESESPEREMENT

  Les Diables (c) D.R.
2002 : cela fait quinze ans que le film de Jean Claude Brisseau De bruit et de Fureur est sorti. Il aura fallu tout ce temps pour que l’adolescent borderline (incandescent François Negret) devienne un flic bêtement abattu comme ça, dans le dernier film de Christophe Ruggia. Il a trente ans environ. Il est devenu flic parce qu’il y a toujours de l’embauche. Il faut bien vivre au temps du R.M.I. C’est le premier horizon social pour un gars des cités même pas chaudes. Et se faire tuer ainsi, mécaniquement par un gamin terrorisé de son ombre.

Voilà, on est passé de Mitterrand version Rocard à Chirac et sa marionnette Raffarin où l’on assiste désemparé à la fascisation de toute la société française. Les Diables semblent venir nous hurler en pleine figure toute l’horreur à venir que les dernières lois en matière de sécurité et de justice de ce gouvernement de droite met en place. Chronique d’une mort préparée. A mort l’adolescent ! Son état fait peur, mal, inquiète, il pulvérise le corps politique, social. C’est un déséquilibré, un fou, un sauvageon, un voyou, une caillera, un malade, un immigré, un banlieusard, un trafiquant. Ce n’est plus un être désespéré qui a un besoin d’amour vertigineux (la scène de la cellule avec le pédopsychiatre joué tout en finesse par Jacques Bonaffé), ce n’est plus l’enfant de, ce n’est même plus une voix. Cela n’est plus qu’une souffrance en cavale.

Les Diables (c) D.R.
Joseph et Chloé (Hansel et Gretel du cinéma) charrient toute la misère des enfants abandonnés qui ne cessent de repousser le monde d’en face, obstinés dans leur quête éperdue de LA maison. Alors oui, le film emprunte tous les chemins du cinéma de la transmission, celui des films qui nous ont aidé à supporter notre jeunesse si mal-aimée.

Les étoiles luisantes ne sont plus celles de la Nuit du Chasseur ni même cette faconde de Joseph (impressionnant Vincent Rottiers) celle du jeune Antoine Doinel échappé de ses 400 coups. De ces bouts de cinéma, réminiscence mélancoliques, morceaux de tissus dont l’homme fait son étoffe, les deux enfants ne savent que faire. Largués, le frère et la sœur tournent en rond littéralement. Dans la ville (Marseille morcelée, émietté) mais dans leurs têtes aussi. Autisme pour elle, mutisme pour lui. Ne reste que les mouvements de corps que le cinéaste ne cesse de rechercher. Le sien peut-être.