Tout se présentait
plutôt bien. Le casting était prestigieux. La
présence au générique d’acteurs tels
que Gérard Depardieu, Carole Bouquet, Jean Rochefort
ou José Garcia pouvait être considéré
comme un bon présage.
Certes, la qualité des acteurs ne fait pas un bon film,
mais on pouvait présupposer, peut-être avec un
peu de naïveté, que les comédiens de renom
précédemment cités n’étaient pas
là par hasard. Qu’ils avaient choisi de tourner dans
Blanche parce qu’ils avaient aimé l’histoire,
parce qu’ils avaient apprécié le scénario
écrit par Bernie Bonvoisin.
Le troisième film de l’ex-chanteur de Trust se présentait
donc sous de bons auspices. L’augure semblait d’autant plus
favorable que dans ses deux précédentes réalisations
Bernie Bonvoisin s’était distingué par l’originalité
de ses dialogues. Dans
Les démons de Jésus
ou
Les grandes bouches, l’artiste multicarte avait
su créer une atmosphère très particulière
grâce au parlé plus que fleuri des personnages
qu’il mettait en scène.
Depuis la grande période Michel Audiard, ce genre de
cinéma aux dialogues ciselés avait disparu de
nos écrans. En remettant au goût du jour cette
recette un peu passée de mode, Bernie Bonvoisin s’exposait
donc aux comparaisons quelque peu hâtives de journalistes
trop pressés. Le comparer d’emblée à
Michel Audiard, comme ont pu le suggérer certains commentateurs,
ne tenait pas la route : ce n’est pas cas parce qu’un apprenti
scénariste mitonne des dialogues en argot qu’il doit
être placé sur le même plan que le cuistot
en chef. Mais loin de réfuter ces analogies douteuses,
Bernie Bonvoisin s’est copieusement servi du parallèle
établi entre son œuvre et celle d’Audiard. Il faut
dire qu’avec un tel héritage en poche, il entrait en
possession d’un outil marketing plutôt efficace.
 |
|
|
|
D’ailleurs, Luc Besson qui est plutôt
doué en matière de marketing ne s’y est pas
trompé. Même si le réalisateur du Grand
Bleu se plante quelques fois, il n’a pas vraiment la réputation
de mettre ses économies dans n’importe quel film.
Pourtant il a décidé de produire
Blanche
par l’intermédiaire de sa société Europacorp,
à qui l’on doit des films comme
Le Baiser du Dragon
ou
Yamakasi. Dès le départ, le film de
Bernie Bonvoisin présentait donc à ses yeux
un attrait financier non négligeable.
Seulement, son impact économique reposait sur une comparaison
osée entre le style d’Audiard et celui de Bonvoisin.
Blanche joue incontestablement sur le registre de la
nostalgie, sur des références du cinéma
français des années 60. Mais s’exposer au prisme
de la comparaison était un risque bien présomptueux.
L’aura d’Audiard plane bien sur le film de Bernie Bonvoisin,
mais il s’agit plus d’une menace, d’une épée
de Damoclès prête à s’abattre à
tout instant sur la tête des auteurs que d’une véritable
source d’inspiration.