SEXE, MENSONGES ET SNUFF MOVIES
Le réalisateur
français Olivier Assayas livre un cyber polar troublant
et fascinant où pouvoir et manipulation, mensonges
et séduction s’entremêlent à la frontière
du réel et du virtuel. Une intrigue éclatée
pour un voyage étrange et sensoriel plastiquement maîtrisée
flirtant allégrement du côté de Mullohand
Drive et de Lost Higway. Un Assayas magistral donc
mais trop ambitieux qui se perd dans une intrigue confuse
et réprime le côté expérimental
de son film par un réalisme exacerbé.
Deux ans après Les
Destinées Sentimentales, Olivier Assayas change
de registre et revient avec Demonlover au genre plus
contemporain du polar, sur fond de manipulation et d’espionnage
industriel dans le monde de l’Internet.
Très attendu et déjà
très controversé, Demonlover se présente
d’emblée comme un film atypique. Il possède
une esthétique futuriste sensuelle et machiavélique
imprégnée d’un parfum de folie et de paranoïa
très à la mode au cinéma ces temps- ci
(voir le très angoissant Photo Obsession de
Mark Romanek).Le film possède la particularité
d’avoir un univers graphique fort associé à
une intrigue qui devient de plus en plus touffue au fur et
à mesure que l’on avance dans l’histoire. Il provoque
ainsi une perte des repères narratifs et sonores chez
le spectateur qui fait écho au cinéma de David
Lynch.
La musique et la bande son
s’intègrent en effet parfaitement au processus expérimental
du film et y participent activement. Avec un rock bruitiste
aux sons très saturés, les musiciens du groupe
Sonic Youth ont su créer une véritable osmose
stylistique accentuant toute la folie et la violence contenue
dans le film et illustrant le monde irréel des images
montrées.
En accordant une grande
importance à la dimension plastique de son film, Assayas
prend toutefois le risque de le rendre factice et vide. Le
cinéaste combine ainsi maladroitement la dimension
réaliste du monde des finances et de l’entreprise et
ses expérimentations graphiques, rendant l’ensemble
chaotique, indéfinissable, inclassable et très
surprenant. (Un mélange singulier qui est aussi peut
être l’un des attraits principal du film.)
Le polar requiert un traitement
nerveux et efficace, rapide et tendu. Assayas l’a compris
mais la plupart du temps, sa mise en scène reste trop
plate par rapport à la violence et à la noirceur
de l’intrigue. Les détails réalistes qu’il s’acharne
à restituer ne sont pas réellement nécessaires
dans un polar virtuel traitant d’univers parallèles.
Ils ne contribuent en rien à la construction de l’univers
froid et inquiétant de Demonlover. Certes, le
réalisateur justifie ce choix en invoquant l’appartenance
de ses protagonistes à un monde virtuel mais cette
obstination à rendre " ultra réaliste "
le film pour révéler son appartenance à
un monde virtuel ralentissent le récit et freinent
la dynamique du film, créant des scènes ennuyantes
dignes d’un film d’entreprise.
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