SYNOPSIS :
Seymour, un jeune militaire américain en poste au Kosovo,
est envoyé en permission pendant trois jours à
Sofia. Le voyage se fait de nuit en bus. Il est accompagné
de Roscoe venu négocier l'achat d'hommes et de femmes.
Seymour loge avec d'autres soldats à l'hôtel Rodina,
une sorte de bordel d'Etat de vingt étages.
Dans l'établissement, il fait la rencontre de Mélania,
une très jeune prostituée ukrainienne. Seymour
veut la sortir de là, l'emmener avec lui, l'envoyer aux
Etats-Unis où il la rejoindra. Il compte la racheter
à son mac, Boyan, un homme d'affaires qui dirige une
grosse entreprise d'essence de rose située dans "la Vallée
des Roses", près de Sofia. C'est son activité
officielle, sa couverture dissimulant ses agissements criminels.
Le prix à payer sera néanmoins terrible, puisqu'il
devra trahir Roscoe. Seymour acceptera pourtant le marché... |
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POINT DE VUE
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Hypothèse :
avec La Vie nouvelle, on tient enfin le film-somme
de l’avant-garde française. On assiste à un
film-monde. Or, il vient d’un ordre qui n’existe pas (en salles,
mais plutôt hors système). Comment prône-t-il
le chaos tout en faisant table rase du pacte commun de réception ?
Ce qui passionne ici est ce qui trouble : ceux qui n’en veulent
pas, en général, le feront par pur acte de rejet,
refus de toute forme contestataire (qu’on se gardera bien
de considérer, avant de l’exhumer plus tard). Impossible
de ne pas ressentir le film : on soumet le spectateur
à une expérience qui doit, littéralement,
le traverser. Tout réside dans la tentative, la recherche
figurative qui s’affranchit, après y avoir puisé
une essence, de mini-genres, boîte à écrins comme
boîte à rêves ou cauchemars : ici
(conte horrifique dans Sombre) et là (allégorie
d’un non-lieu dans La Vie nouvelle) ne subsiste de
la trame que traces, oxygène, restes de vie, sensations.
Il fallait, ensuite, une multitude de faux-départs,
de blocs asthmatiques et d’espaces sonores saturés,
véritable usine d’expérience sensitives, pour
que naisse, horrible et magnifique, La Vie nouvelle.
Il existe une genèse
du film, en dehors de son prélude Sombre. Car
La Vie nouvelle vient d’ailleurs : le génie
du film, après avoir (sur)vécu longtemps dans
les souterrains du cinéma, caves immondes et lieu du
refoulé, est d’ériger, à la face de tous,
un panégyrique du nouveau et du sensoriel. Flou de
l’histoire, peu de paroles, quelques mots en anglais :
La Vie nouvelle préfère se taire. Flou
de l’image, boucle d’espace vide ouverte sur elle-même :
plus précisément le début d’une ressemblance
avec un no man’s land sans ethnie précise (mais
à l’Est), finalement vie nouvelle post-chaos, au-delà
du temps et des frontières. Pas de commencement en
soi, encore moins de fin. Pour apprécier La Vie
nouvelle, il ne suffit pas de se placer comme Philippe
Grandrieux contre la norme actuelle, contre le pacte de vision
dominante. La folie du film réside dans le fait qu’il
exige sans doute ce que lui-même ignore. Ce qu’il met
en saillie est aussitôt soumis à l’ouïe
ankylosée, à la rétine lourde et lacérée
du spectateur, pour lire incrusté dessus sa griffe
ultime, son hallucination abusive, sa vision horrifiée.
Il faut respecter l’exigence du cinéaste qui prend
moins la main du spectateur, qu’il ne lui demande de plonger
dans un grand bain sonore, souvent en apnée. Il en
émane ; au creux d’efforts aussi pénibles
que nécessaires, efforts se transmuant en une débauche
de laisser-allers suspensifs ; de splendides accès
de fureurs, alternance de crises impulsives et de traversées
solaires hypnotiques.
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