Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Abouna (c) D.R. ABOUNA
(Notre père)

de Mahamat-Saleh Haroun
Par Gilles LYON-CAEN


SYNOPSIS : Tahir (quinze ans) et Amine (huit ans) se réveillent un beau matin et apprennent que leur père a mystérieusement quitté la maison. Ils décident alors d’aller à sa recherche à travers une longue errance dans la ville, inspectant les différents lieux où il avait l’habitude d’aller. Sans résultat…

....................................................................

POINT DE VUE

  Abouna (c) D.R.

Au début d’Abouna, le cadre, lisse et calme, pose d’emblée un curieux paradoxe. Très vite, on comprend que le père est parti, un matin, sans que son nom, son absence soient clairement énoncés (le film s’ouvre sur son départ dans le désert) ; et pourtant, dans la trajectoire incertaine, les passages ou entrées latérales des personnages dans le cadre, à pied ou en vélomoteur, tout concourre moins à informer le spectateur qu’il s’agit d’un matin comme les autres que de faire signe. Il est dit que ce matin-là va changer le cours tranquille des choses pour les deux frères. Paradoxe original : le cinéaste n’exploite jamais le départ du père comme déclencheur d’histoire, passage obligé d’un questionnement (pourquoi est-il parti ?), d’une attente déjà vus ailleurs (quand reviendra-t-il ?), mais sans le justifier, ne convainc pas pour autant. De sorte que c’est par l’esquive de ces questions, par la discrétion du cadre et sa sobre composition que le cinéaste cherche à insinuer un trouble diffus.

Abouna souffre d’une ambivalence au cœur du récit. Haroun possède un réel sens du cadre, une grammaire élémentaire qu’il maîtrise (plan-photo du petit frère au petit matin, à contre-jour, douceur larvée d’un réel filmé derrière les voilages de la maison), mais l’intrigue suit péniblement la technique, l’illustre, comme si elle prenait une longueur d’avance. Mais il s’agit moins finalement d’esthétiser une situation, une volonté d’asséner son savoir technique, comme on dirait d’un amoureux qu’il force sa sensibilité, malgré lui, qu’une retenue : en somme, Abouna se révèle toujours régulier dans sa fragilité.

Abouna (c) D.R.

Ainsi la dualité du film, symbolique et ultime, qui pousse le problème aux confins du film lui-même et lui donne cohérence et stabilité réside dans la fuite perpétuelle des frères. Fuite qui ne s’empare pas du récit mais qui le traverse, le libère provisoirement (la magnifique scène de la forêt, l’échappée du grand frère), sans que jamais Abouna ne se remette de ses traversées. Abouna semble toujours en fuite, à l’image des deux frères, mais ne se départ pas pour autant de sa belle cage. Le film incarne sa propre recherche en proposant lui-même une dialectique existentielle (mystique, dirait-on) avec ses propres personnages. La recherche du père dans la pellicule d’un film que les enfants voient au cinéma (ils le reconnaissent), véritable quête dans les collures, le rappelle bien : il prévaut toujours et en dernier stade, une volonté de passer à travers l’image, pour rejoindre le père. Si bien que la parabole cinéphilique ou cinématographique (retrouver l’image manquante, le photogramme, en volant les bobines) dérive et résulte enfin d’une même et seule frustration.

Abouna renferme une teneur dans ses plans, la recherche qu’il enclenche et sa marche en avant. Le film renferme aussi une couleur en lui. Une couleur digne d’une tragédie, où les deux frères ne se recherchent pas, mais se trouvent et se perdent, se séparent avant de se désunir. En un sens, le film serait un corps fraternel, double, qui n’existe que par le nombre deux. Ce qui touche provient d’ailleurs, d’une couleur joyeuse et mythique qui renvoie à l’identité du petit frère : l’orange. Cette couleur métonymique qui perpétue, pour le grand frère, sa mémoire, en portant sa chemise (son haillon, son seul vêtement). Couleur mélancolique, post-mortem (à nouveau ici, garder une image, une seule). Un détail qui trouble, une contenance et un regard troublant d’un personnage qui franchit le cadre, pour enfin être perpétué.




Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




Titre
 : Abouna (Notre père)
Réalisateur : Mahamat-Saleh Haroun
Acteurs : Ahidjo MahamatMoussa, Hamza MoctarAguid, ZaraHaroun
Scénario : Mahamat-Saleh Haroun
Image : Abraham Haile Bir
Montage : Sarah Taouss Matton
Son : Marc Nouyrigat
Décor : Laurent Cavero
Musique originale : Diego Moustapha Ngarade
Direction de production : Moctar Ba
Production exécutive : Kalala HisseinDjibrine
Production déléguée : Duo Films
Festival : Quinzaine des réalisateurs Cannes 2002
Distribution : MK2
Sortie France : 19 mars 2003
Pays : Tchad
Année : 2002
Durée : 81 mn