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La Fleur du mal (c) D.R. LA FLEUR DU MAL
de Claude Chabrol
Par Alexandre TYLSKI
du Laboratoire de Recherches
en Audiovisuel de l’Ecole Supérieure
d’Audio-Visuel de Toulouse


SYNOPSIS : Si le temps existe, la culpabilité peut-elle se transmettre - comme certaines maladies - de génération en génération ? Quels effets une faute non expiée peut-elle avoir pour le coupable mais aussi pour ses descendants et sa famille ? A la fin de la deuxième guerre mondiale, dans l’atmosphère délétère des règlements de compte liées à la collaboration, une femme sera acquittée pour le crime qu’elle a commis. Le film se déroule de nos jours, pendant les dernières élections municipales, alors qu’un autre crime sera commis. Qui est le coupable ? Celui qui commet le crime ou celui qui s’en accuse ?

Et si le temps n’existe pas…

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EN QUÊTE DES MOINDRES SIGNES

Cinquantième long-métrage de Claude Chabrol et, toujours, la famille bourgeoise et surtout l’immuabilité de la cruauté humaine. Portraits croisés, assemblés, éclatés.


  La Fleur du mal (c) D.R.

C’est une caméra mouvante qui ouvre le film, longeant les feuilles d’arbres centenaires à la tombée de la nuit et s’arrêtant sur la fleur épineuse du mal. Claude Chabrol serpentera au cœur du film de la même manière, masqué, discret, toujours à la bordure, dans l’observation. Sans cesse aux précipices d’époques, de racines et de secrets. L’ironie cinématographique sur la corde raide. Tranchante. Claude Chabrol ne donne pas vraiment dans l’humour grinçant comme il est dit ici ou là, mais bel et bien dans l’ironie, la vraie (cf. Umberto Eco différenciant à juste raison l’humour de l’ironie).

Car, en effet, les familles bourgeoises ne font pas nécessairement rire Chabrol. On aurait peut-être tort de réduire son cinéma à cela. Nous parlons ici d’un « cinéma » et non de films car Chabrol, le répétant encore dans de récentes interviews accordées à la presse, avoue toujours envisager chaque film comme un morceau de puzzle dépendant du reste de son œuvre. « C’est l’œuvre qui compte » scande-t-il. Et en effet, La fleur du mal fait figure de fragment, de variation dans un tout. Dire de Chabrol qu’il fait toujours le même film encore et encore serait trouver les toiles de Monet toutes identiques.

La Fleur du mal (c) D.R.

Ironiquement, La fleur du mal aborde le thème de ces familles se mariant entre elles, comme autant de variations internes et infinies. Chabrol raconte : « J'avais déjà tourné Docteur Popaul près de Bordeaux... J'ai choisi d'y revenir parce que je voulais raconter une histoire de famille et les familles qui se perpétuent ne sont pas rares par ici. » Tout le jeu dans La fleur du mal va être de découvrir les nuances et faux-semblants de cette famille mais également du film lui-même. La sobriété de la mise en scène confine parfois à une esthétique de téléfilm (si l’en est), la crudité de l’éclairage et le choix des lieux rappelant un téléfilm standard.

Sauf que Chabrol termine quasiment chaque scène de La fleur du mal par une idée de maître, et sans faire de bruit. Nous retiendrons ainsi peut-être cette scène se concluant par un léger travelling latéral de haut en bas plaçant d’un coup, par un simple mouvement, la grand-mère et sa petite fille, assise au fond sur un canapé, dans une cage à oiseau, au premier plan. Chabrol ou le charme discret d’un cinéaste observateur, ironique, imaginatif, enfermant les femmes lionnes de tout âge dans leur cage.