EN QUÊTE DES MOINDRES SIGNES
Cinquantième long-métrage de Claude Chabrol et, toujours,
la famille bourgeoise et surtout l’immuabilité de la cruauté
humaine. Portraits croisés, assemblés, éclatés.
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C’est une caméra mouvante qui ouvre
le film, longeant les feuilles d’arbres centenaires à la tombée
de la nuit et s’arrêtant sur la fleur épineuse du mal. Claude
Chabrol serpentera au cœur du film de la même manière, masqué,
discret, toujours à la bordure, dans l’observation. Sans cesse
aux précipices d’époques, de racines et de secrets. L’ironie
cinématographique sur la corde raide. Tranchante. Claude Chabrol
ne donne pas vraiment dans l’humour grinçant comme il est
dit ici ou là, mais bel et bien dans l’ironie, la vraie (cf.
Umberto Eco différenciant à juste raison l’humour de l’ironie).
Car, en effet, les familles bourgeoises ne font pas nécessairement
rire Chabrol. On aurait peut-être tort de réduire son cinéma
à cela. Nous parlons ici d’un « cinéma » et non de films car
Chabrol, le répétant encore dans de récentes interviews accordées
à la presse, avoue toujours envisager chaque film comme un
morceau de puzzle dépendant du reste de son œuvre. « C’est
l’œuvre qui compte » scande-t-il. Et en effet, La
fleur du mal fait figure de fragment, de variation
dans un tout. Dire de Chabrol qu’il fait toujours le même
film encore et encore serait trouver les toiles de Monet toutes
identiques.
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Ironiquement, La fleur du mal
aborde le thème de ces familles se mariant entre elles,
comme autant de variations internes et infinies. Chabrol
raconte : « J'avais déjà tourné Docteur Popaul près de
Bordeaux... J'ai choisi d'y revenir parce que je voulais
raconter une histoire de famille et les familles qui se
perpétuent ne sont pas rares par ici. » Tout le jeu
dans La fleur du mal va être de découvrir les nuances
et faux-semblants de cette famille mais également du film
lui-même. La sobriété de la mise en scène confine parfois
à une esthétique de téléfilm (si l’en est), la crudité de
l’éclairage et le choix des lieux rappelant un téléfilm
standard.
Sauf que Chabrol termine quasiment chaque scène de La
fleur du mal par une idée de maître, et sans faire de
bruit. Nous retiendrons ainsi peut-être cette scène se concluant
par un léger travelling latéral de haut en bas plaçant d’un
coup, par un simple mouvement, la grand-mère et sa petite
fille, assise au fond sur un canapé, dans une cage à oiseau,
au premier plan. Chabrol ou le charme discret d’un cinéaste
observateur, ironique, imaginatif, enfermant les femmes
lionnes de tout âge dans leur cage.