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La Forêt sans nom (c) D.R. LA FORET SANS NOM
de Shinji Aoyma
Par Frank CARANETTI


SYNOPSIS : Engagé pour retrouver la fille d’un riche businessman, disparue après avoir refusée d’épouser l’homme que sa famille lui destinait, le détective Mike Yokohama voit ses certitudes mises à mal par la découverte de la communauté, retirée dans la forêt, qui recueille la jeune femme.

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POINT DE VUE

  La Forêt sans nom (c) D.R.

Comme le remarque Romain Slocombe dans son introduction au Charisma de Kyoshi Kurosawa, la forêt revêt, pour le Japonais, un caractère singulier. Lieu de méditation et de silence, l’esprit accablé vient s’y abandonner, non pour trouver-là le réconfort de la nature, ou pour obtenir la paix loin des préoccupations de la capitale, mais pour, une fois la corde solidement nouée à une branche haute, venir se donner la mort par pendaison. Maurice Pinguet, dans son ouvrage La Mort Volontaire au Japon, décrit comment les alentours du Mont Fuji sont ainsi devenus, en l’espace de quelques années, le lieu de découvertes macabres : « on vient ici, seul ou en couple, pour se pendre, s’empoisonner, mourir de froid. Au mois d’octobre, avant l’arrivée des neiges, une patrouille s’avance à grand-peine dans l’inextricable sous-bois : chaque année on retrouve ainsi une trentaine de squelettes que les renards, les corbeaux et les chiens sauvages ont nettoyés de leur chair inutile » (1).

Pour une société qui sait distinguer chaque aspect du suicide, qui codifie l’acte selon l’intention que le suicidé souhaite lui accorder de son vivant -munenbara, « seppuku de ressentiment », kanshi ou « mort de remontrance », asu ikka shinju ou « suicide familial » -, la mort ne peut se dégager de ces signes comme de ces us. Ici tout est rapport à l’autre et effort de communication. Plus encore que de son vivant, le suicidé communique, de manière définitive, irrévocable, il donne à entendre le fond de son cœur.

Eureka (c) D.R.

Dans Eureka (2000), Aoyama dégageait déjà le paradoxe d’une société japonaise repliée sur elle-même, multipliant les signifiants sans jamais laisser de véritable place à la parole, où seules la mort violente et la confrontation révélaient entièrement les individus. Cette analyse de la société japonaise moderne est aujourd’hui caractéristique des préoccupations de la nouvelle génération de cinéastes - Kurosawa, Aoyama, Ishi… - dont les personnages, souvent usés, sans passion, perdent lentement leur identité jusqu’à la disparition complète. Qu’il s’agisse des anti-héros de Kurosawa ou de Aoyama, la société japonaise ne semble devoir offrir qu’une lente dégradation de ses membres dans l’anonymat de la masse, sans pensée ni affects.

Premier épisode d’une série mettant en scène les aventures du détective Mike Yokohama, La Forêt sans Nom (2001), réalisé avec le concours de la télévision et développé par Rumble Fish, prolonge cette étude du Japon contemporain qui, si elle ne s’attaque jamais de front à la thématique sociale, permet de revenir sur la crise de la jeunesse de l’après-guerre.