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The Sea (c) D.R. THE SEA
de Baltasar Kormakur
Par Romain LE VERN


SYNOPSIS : Agust a quitté l’Islande pour suivre des études de gestion à Paris, qu’il a rapidement abandonnées pour se consacrer à sa passion : la musique. À la demande de son père, il accepte de revenir après plusieurs années dans son pays natal, bien qu’il redoute de l’affronter, car il n’a jamais trouvé le courage de lui avouer la vérité. Accompagné de Françoise, sa fiancée française, il débarque dans un village coincé entre la mer et les fjords, éloigné de tout et replié sur lui-même. Thordur, son père, propriétaire redouté d’une conserverie de poissons menacée par la politique des nouveaux quotas de pêche, refuse de voir le monde qui change autour de lui. Le fils aîné de ce dernier, l’actuel directeur de l’usine, lui conseille de vendre celle-ci avant qu’il ne soit trop tard. Ce que refuse obstinément Thordur qui souhaite qu’Agust reprenne l’affaire. Bref, rien ne va…

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FAMILLE, JE NE VOUS AIME TOUJOURS PAS…

  The Sea (c) D.R.
The Sea est un film qui part d’un postulat de base plutôt rasoir (le quotidien pâlot d’un pêcheur en butte contre une loi de quotas…) pour basculer ailleurs et s’achever dans la folie la plus furieuse et la plus totale. Les scènes d’exposition, inutilement étirées, ne montrent pas immédiatement les enjeux dramatiques d’un scénario retors qui possède des surprises. Pendant toute une première partie, le cinéaste met en scène les mœurs d’une famille gentiment timbrée avec la mamie qui balance des vannes, la sœurette qui roule trop vite en voiture, un papa qui passe son temps à compter ses poissons… et des situations sympathiquement loufoques (des animaux qui errent, dégustation du requin…). Fonctionnant sur le mode de la légèreté, toute cette partie laisse supposer une comédie vaguement déjantée dans laquelle les personnages sont caricaturés à outrance, mais demeurent extrêmement sympathiques.

Certes, mais taratata : le scénario prend une tournure inhabituelle dans la seconde partie qui, en réalité, opte pour le cynisme le plus total et un humour grinçant qui fait très mal au politiquement correct. À la manière du Happiness de Todd Solondz ou encore du Sitcom de François Ozon, Baltasar Kormakur, déjà auteur d’un plaisant 101 Reykjavik, brosse le portrait d’une famille a priori aimante, agréable et sans problème (« Bienvenue dans notre demeure »; « Faites comme chez vous ») mais qui, en fait, possède des meurtrissures et des traumatismes plutôt douloureux. Heureuse nouvelle : Kormakur aborde ses sujets sur le mode de l’humour lugubre qui, dans son registre, est très efficace. Il adopte le style d’un sitcom aseptisé pour faire voler en éclats la cellule familiale et transgresser les tabous les plus inavouables. Il prend tous les clichés de la famille modèle (dans la première partie) pour les retourner comme des crêpes, histoire de faire ressurgir le monstre qui se cache en chacune de ces apparences humaines (la seconde). Les personnages, plutôt archétypaux, gagnent de ce fait en complexité mais aussi en profondeur, de la même façon que le film devient plus substantiel et passionnant grâce à cette seconde partie.