POINT DE VUE
|
 |
|
|
A l’origine de DareDevil, il
y a un matériau extraordinaire, celui d’une bande dessinée
parmi les meilleures jamais écrites, qui décrit les tourments
d’un personnage particulier partageant sa vie entre faiblesses
(de jour) et pouvoirs (de nuit). A la croisée de Batman (pour
l’aspect sombre, parfois proche du gothique) et de Spiderman
(costumé de rouge, le super héros se ballade de building en
building), DareDevil dépasse en profondeur, sous la plume
de Franck Miller, tout ce qui s’est déjà fait par le passé.
Le personnage n’est plus seulement un héros, et encore moins
« l’homme sans peur » du titre. Il accède
au statut de véritable être humain, avec ce que cela comporte
de problèmes, de défauts, de faiblesses. Les combats sont
de moins en moins présents, et les épisodes concentrés sur
la vie publique de Matt se font de plus en plus nombreux.
Dans cette optique finalement assez proche de celle des X-Men
(des personnages réalistes bombardés dans un univers qui pourrait
véritablement être le nôtre), l’adaptation cinématographique
promettait, à l’origine, d’être extraordinaire. A la profondeur
du personnage pouvait succéder le spectaculaire des combats.
Le comic movie parfait. Las, rien qu’à voir la tête de Ben
Affleck, interprète du rôle-titre, on comprendra aisément
qu’il n’en est rien et que le film ne restitue à aucun moment
la richesse du matériau original.
 |
|
|
|
Parce qu’à l’origine de DareDevil,
il y a également le désir de certains dirigeants de la Fox
d’égaler les recettes astronomiques du splendide Spider-Man
de Sam Raimi en imposant à un pauvre cinéaste déjà peu compétent
quelques scènes supposées obligatoires à tout carton commercial.
DareDevil débarquant dans un bar miteux sur une musique
« metal » (The Crow), DareDevil
sautant du haut d’un immeuble, la caméra virevoltant autour
de lui (Blade 2), DareDevil se baladant de corde
en corde (Spider-Man)… Grappillant un peu partout
de quoi saccager consciencieusement son métrage, Mark Steven
Johnson, qu’il soit entièrement responsable du naufrage
ou pas, prouve son incapacité totale à retranscrire à l’écran
une bande dessinée manifestement mal assimilée. A l’image,
le résultat tient de la misère la plus complète. Systématiquement
placé entre deux chaises (d’un côté un DareDevil humain,
de l’autre une avalanche d’images de synthèse), le métrage
propose un catalogue de détails stupéfiants susceptibles
de faire s’esclaffer des salles entières. Affichant une
coupe de cheveux proche de celle d’un chanteur des années
80 tendance Wet Wet Wet, Ben Affleck joue les aveugles
de pacotille, louchant quand il faut, regardant le ciel
dans chaque conversation, jouant de la canne blanche avec
dextérité. Elektra devient une bimbo blonde fortement éloignée
de l’image d’amazone dangereuse qu’elle avait dans le comic
book. De véritable psychopathe, elle devient ici une jeune
dévergondée tentant dans un effort pathétique de venger
la mort de son père.