Ce trajet au plus profond de soi-même,
aussi bien physique qu’intérieur, prend régulièrement l’allure
d’un road-movie d’une étonnante légèreté, alors que les sujets
qu’il aborde sont plutôt moroses. Mais Lynne Ramsay, déjà réalisatrice
d’un très beau Ratcatcher, refuse de s’abîmer dans la
case lacrymale, au même titre qu’elle châtie la dramatisation
à outrance ; ce qui justifie le recours à un humour sous-jacent
et jamais morbide, qui se contente d’être efficace en jouant
sur l’absurdité de certains passages. La mise en scène, aux
cadrages parfaitement composés, peut paraître esthétisante,
mais elle sert à insister subtilement sur les états d’âme de
sa protagoniste, d’où le jeu impressionnant sur les couleurs
qui permet au film d’échapper à l’exercice de style vain et
superficiel… En s’attachant à des choses viscérales, la cinéaste
châtie le bavardage oiseux pour s’intéresser de plus près à
l’univers de Morvern, qui devient un reflet de sa propre folie
(des couleurs flash quand elle va bien, des couleurs sombres
pour l’effet inverse…). Cela ne part donc pas d’une démarche
gratuite mais au contraire d’une envie d’impliquer le spectateur
dans un parcours initiatique exceptionnel. Avec le recul, c’était
probablement le meilleur procédé pour nous faire partager des
émotions communes et évoquer un thème aussi universel que celui
du deuil.
Tout est dans l’atmosphère. Et
ce n’est pas parce que rien n’est dit explicitement qu’il ne
se passe rien d’intense. Le voyage de Morvern se situe
hors des conventions. Il n’y a pas à proprement parler de scénario
mais de bribes de situations et de sensations (des couleurs,
des sons, des bruits, des pleurs, des sourires…). La superbe
musique (Boards of Canada, Mamas and Papas, Velvet Underground…)
renforce la tonalité hypnotique de l’ensemble. Pour toutes ces
raisons, ce bel objet ressemble à une expérience aux qualités
formelles irréprochables qui risque fort de passionner ceux
qui sont à la recherche de nouveauté (entre ce film et l’exquise
Cité de Dieu, ils ne seront pas déçus). Film sur la quête
de soi dans un pays étranger, Morvern Callar préfère
certainement le diurne espagnol au nocturne indien, mais son
voyage est tellement fascinant et curieux qu’il hante longtemps
l’esprit après la projection.
Titre : Le voyage de Morvern Callar Titre V.O : Morvern
Callar Réalisateur : Lynne
Ramsay Acteurs : Samantha
Morton , Kathleen McDermott , Dan
Cadan , Dolly Wells Scénario : Lynne Ramsay,
Liane Dognini d'après le livre d'Alan Warner Photo : Alwin Kuchler Musique : Andrew Cannon Production : Company
Pictures, Alliance Atlantis, H2O Motion Pictures Festival : Quinzaine
des réalisateurs du festival de Cannes 2002 Distribution : Diaphana
Distribution Sortie le : 05 mars
2003 Pays : Royaume-Uni Durée : 1h 33 mn Année : 2002