SYNOPSIS :
Une cellule. Quatre détenus. Carrère,
chef d’entreprise accusé d’escroquerie. Marcus,
35 ans, transsexuel en cours de métamorphose. Pâquerette, 20
ans, attardé mental. Lassalle, 60 ans, intellectuel, meurtrier
de sa femme. Derrière une pierre de la cellule mystérieusement
descellée, ils découvrent un livre : le journal d’un détenu.
Danvers, qui occupait ce lieu au début
du siècle. Ce journal renferme des formules aux pouvoirs magiques
qui permettraient de s’évader…
Malgré quelques belles exceptions
(Les Amants Criminels, Baxter, Baby Blood…) et des
cinéastes téméraires (pour ne citer qu’eux: Alain Robak, Sarah
Levy, Yann Piquier…), le fantastique a toujours été un genre
sous-estimé et de surcroît sous-exploité dans notre bon vieux
cinéma Hexagonal. Autant enlever les soupçons immédiatement
: Maléfique est effectivement une série B étonnante
qui crée la bonne surprise. Pour retrouver un film aussi réussi
et audacieux que celui-ci, il faut remonter en 1994 et le
très étrange Parano, film à sketches détonnant, drôle
et terrifiant qui racontait diverses histoires partant généralement
d’une situation banale de la vie de tous les jours pour doucement
mais sûrement les faire glisser sur les chemins de l’angoisse
pure. Même si l’ensemble n’était pas complètement maîtrisé,
on se souvient quand même de l’originalité de l’ensemble et
de l’atmosphère si particulière qui rappelait, entre autres,
le meilleur des Carpenter (L’antre de la folie, pour
ne citer que lui). Depuis, malgré quelques Bee Movies - dont
le plus réussi demeure Un jeu d’enfants de Laurent
Tuel -, on ne peut malheureusement pas encore parler d’un
réel enthousiasme pour le genre. Avec son scénario aussi malin
que redoutable, Maléfique, prix du jury au dernier
festival de Gérardmer, pourrait changer la donne et bousculer
quelque peu la pusillanimité des producteurs.
Sur le papier, Maléfique n’a rien pour soulever l’euphorie
: vu son contexte (une prison) et l’argument de base (un livre
avec des incantations de magie), on suppose très vite le précipité
simpliste, les effets minimalistes et le passage en revue
de tous les codes du film carcéral. A l’écran, le résultat
est heureusement plus stimulant. On le sait depuis Jeepers
Creepers (et cela a été confirmé, il y a peu par quelques
récentes séries B, à l’instar de l’amusant Destination
Finale 2), on assiste à un véritable revival du
film fantastique dépourvu de cynisme, et nageant dans les
eaux limpides du premier degré. Maléfique n’échappe
pas à la règle. A défaut de révolutionner le genre, le film
fuit comme la peste les dérivations superfétatoires et se
contente d’aller à l’essentiel. C’est amplement suffisant.
L’intérêt de Maléfique ne réside pas seulement dans
une atmosphère savamment distillée et une mise en scène très
inventive (les effets spéciaux sont à ce sujet brillants).
Savoir où le cinéaste compte nous emmener est précisément
ce qui titille notre attention tout le long du métrage. Le
fait que cela se passe dans un espace confiné (une cellule)
permet au cinéaste d’analyser les rapports de force entre
quatre personnages différents : un père de famille à qui son
fils manque et qui ne trouve du réconfort qu’auprès d’un jouet;
un travesti qui fait de la muscu dans l’unique but de s’évader;
un simplet qui ne contrôle pas bien ce qu’il fait; et un vieil
homme qui a tué sa femme. L’arrivée du livre mystérieux va
être l’élément décisif qui va exacerber encore plus gravement
les tensions. Au fur et à mesure que Valette autopsie son
petit monde trop tranquille pour être honnête, on finit par
comprendre que les dominés et les dominants ne sont peut-être
pas ceux qu’on pense.
C’est justement à partir de ce moment-là que l’on commence
à avoir vraiment peur et à observer de plus près les personnages,
à remarquer leurs attitudes qui trahissent parfois un peu
trop ce qu’ils désirent. En partant de la fiction zonzon,
Valette nous fait progressivement croire en l’incroyable avec
une espèce de fausse naïveté aussi dérangeante que séduisante.
On se laisse prendre au piège avec une certaine délectation
jusqu’à ce que la révélation finale troublante montre qu’il
faut toujours s’attendre à l’imprévu et ne jamais se fier
aux apparences. Sans pour autant bouleverser les codes du
genre mais en n’oubliant jamais de jouer avec eux, Eric Valette
livre une fiction délicieusement parano qui joue avec les
nerfs de ses personnages et à fortiori ceux du spectateur.
Belle démonstration.
Titre : Maléfique Réalisateur : Eric Valette
Acteurs : Clovis
Cornillac, Gérard Laroche, Philippe
Laudenbach, Dimitri Rataud Scénario : Alexandre
Charlot, Franck Magnier Photo : Jean-Marc Bouzou Musique : Eric Sampieri Festival : Gerardmer
2003 Distribution : Mars
Films Sortie le : 07 mai 2003 Durée : 1h 30 mn Pays : France Année : 2002