DANCING de Patrick Mario Bernard,
Xavier Brillat et Pierre Trividic
Par
Romain LE VERN
SYNOPSIS :
René est artiste. Son atelier est installé dans la salle d’un
dancing désaffecté. C’est là qu’il travaille et vit avec son
compagnon. Tout va bien, et pourtant non. Tout ne va pas si
bien que ça. René couve quelque chose. C’est ce qu’il pense.
Il ne se sent pas vraiment malade, mais tout lui fait un peu
trop d’effet. Pourquoi les choses qui rentrent dans sa tête
ne veulent-elles plus en sortir ? Comme le portrait de ces deux
clowns inquiétants, aperçu dans un magazine… Rien n’y fait.
Ni le travail, ni les distractions. C’est en train de tourner
à l’idée fixe. René est chaque jour plus obsédé par des signes
imperceptibles, que sa raison rejette. Mais un beau jour, tout
bascule : René se retrouve alors nez à nez avec son double…
C’est certainement le pari cinématographique
le plus insensé que l’on ait vu depuis très longtemps. Le trio
Patrick Mario Bernard, Xavier Brillat et Pierre Trvidic, déjà
réalisateurs du moyen-métrage Ceci est une pipe, ont
décidé de faire un film fantastique en DV où se croiseraient
pêle-mêle des clowns, des doubles et pourquoi pas le grand frisson.
En profondeur, c’est un film hors norme et intrigant qui possède
une thématique d’une grande puissance et qui ménage beaucoup
de surprises.
Homos à la ville comme à l’écran, les deux acteurs principaux
du film ne trichent pas avec leurs sentiments. Cela a deux conséquences
: non seulement cela efface la barrière entre la réalité
et la fiction mais en plus, mais cela permet aussi au
fantastique d'entrer de manière plus brutale dans un environnement
a priori tout sauf hostile. Par ailleurs, contrairement à ce
que l’on pourrait penser, l’homosexualité des deux protagonistes
n’est pas tellement le thème central et passe même plus que
fréquemment au second plan. Même si, avec la crudité des scènes
de sexe, ils font mine de créer une distance avec le spectateur,
les cinéastes acteurs parlent en fait d’une histoire qui pourrait
toucher n’importe quel couple (qu’il soit homo ou hétéro) et
montrent ainsi l’homosexualité sous son angle le plus banal.
Accessoirement, c'est la preuve que nos auteurs ont échappé
aux pièges du film nombriliste et préféré nous raconter quelque
chose qui soit à la fois personnel et captivant pour tout le
monde. En l’occurrence ici, comment une histoire d’obsession
pour une photo et de mystérieuses rencontres vont faire pénétrer
le délicieux monstre fantastique dans la douce réalité.
Film inattendu et déroutant,
Dancing part d’événements simples (une interview dans
un journal, un cliché perturbateur, un robinet qui laisse
échapper des gouttes…) pour générer l’angoisse. Pour lui conférer
un maximum de substance, nos trois réalisateurs ont décidé
de mélanger les genres (drame psy, érotisme, horreur…). Ils
disent s’être librement inspiré de l’atmosphère des nouvelles
de Maupassant pour mettre en scène leur histoire. Cela s’en
ressent dans le contexte (une ville de Bretagne), mais aussi
dans les nombreuses métaphores temporelles qui jalonnent la
fiction (la météo, l’océan, une horloge…). Pendant une longue
partie, on étudie toutes les pistes et même les plus irrationnelles
(vengeance surnaturelle ? folie schizo du protagoniste ? vilains
démons qui viennent sonner à la porte ?). La grande qualité du
film est justement de maintenir un degré d’attention constant
chez le spectateur. Le voyage au Danemark fonctionne comme
une clé de l’énigme et semble être une réponse aux questions
que l’on se pose. Lorsque le personnage de Arne Nygren (Peter
Bonke), aussi inquiétant et séduisant que le diable en personne,
expose sa théorie singulière sur les paradoxes temporels,
René semble trouver une correspondance avec sa propre histoire.