SYNOPSIS:
Le commissaire de police Emmanuelle Barsac enquête sur
une série de suicides amoureux. Les victimes sont des
jeunes femmes, décédées dans de mystérieuses
circonstances qui ne sont pas sans rappeler la légende
de Tristan et Iseult. Emmanuelle est persuadée qu'un
serial killer, nommé Tristan, se cache derrière
ce macabre rituel...
Tristan représente dans l'oeuvre
de Philippe Harel, cinéaste éclectique s'il en
est et véritable auteur, le baptême du film de
genre, à savoir un bon vieux polar, le film de genre
par excellence. Ou encore, comme le dit le producteur, le passage
de la chronique au récit. Le film a donc un peu valeur
de test et ne se départ pas d'un côté «
exercice de style », respectueux des codes, ficelles et
conventions du genre. Reste à savoir si l'exercice a
été réussi. Or de ce côté-là,
on doit reconnaître que c'est plutôt le cas et que
ce Tristan tient fort bien la route. On sent que Harel et son
scénariste, Olivier Dazat, se sont attachés à
jouer le jeu à fond, semant fausses pistes, rebondissements
et même une surprise finale à la Usual Suspect.
Le récit est solidement charpenté, rondement mené,
très bien joué (Mathilde Seigner est vraiment
formidable), et l'ensemble se laisse suivre fort agréablement.
En revanche, on s ‘avoue moins convaincu par une résolution
finale de l'intrigue trop vite expédiée et par
le caractère artificiel de cette intrigue policière
sur fond de milieu littéraire. Cela donne au film un
caractère un peu désuet, très français,
non sans charme, renforcé par une mise en scène
plate et sans éclat, digne du premier téléfilm
venu du jeudi soir.
Mais, évidemment, l'enjeu et l'intérêt du
film ne se situent pas là et Tristan est un polar en
trompe l'œil. En vérité, dans la lignée
des romans de Michel Houellebecq, dont il a adapté Extension
du domaine de la lutte, Harel poursuit son évocation
désenchantée du monde (post)moderne, marqué
par une certaine aliénation (ah ! le mobilier Ikéa
qui orne l'appartement HLM du collègue flic de Mathilde
Seigner, joué par Jean-Jacques Vannier) ou plus encore
par la dureté et la froideur des rapports sociaux, plus
particulièrement des rapports hommes-femmes. Car tel
est bien le sujet profond du film, qui, derrière l'héroïne,
dresse en réalité un portrait de l'homme moderne
en homme fatigué, fragile, dépressif, malmené
par les femmes.
Au fond, comme dans le premier film de
Philippe Harel, le film raconte l'histoire de garçons
qui veulent qu'on les embrasse. Tristan apparaît ainsi
comme une illustration divertissante de la théorie houellebecquienne,
selon laquelle la femme occidentale est devenue inaccessible
à l'homme ordinaire, obligé de se replier sur
les prostituées du tiers-monde. C'est bien à une
femme de ce genre qu'on a affaire avec ce personnage composé
par Mathilde Seigner, dont le métier-même, flic,
indique symboliquement la propension de la femme moderne à
prendre la place traditionnellement réservée à
l'homme. Significativement, le film commence par une scène
de rupture entre cette femme et son amant, qu'elle décide
et accomplit avec une incroyable brutalité.
C'est dire que Tristan, derrière l'artificialité
distrayante et anodine de son intrigue policière, trahit
une discrète mais réelle misogynie, ridiculisant
au passage, à travers la psy savoureusement interprétée
par Nicole Garcia certaines théories féministes,
à base de psychanalyse, qui imaginent une domination
masculine omniprésente (et qui voient le mâle partout).
Ainsi, derrière le portrait haut en couleur d'une femme
flic, dure et intraitable, le film plaide pour la réhabilitation
d'un homme moderne bien malmené et injustement décrié.
Au style un peu désuet, s'ajoute un propos quelque peu
« réac », mais qui donne aussi son caractère
et son identité au film.
Titre
:Tristan Réalisateur :
Philippe Harel 1er assistant réalisateur
: Jérôme Zajdermann Scénariste :
Olivier Dazat Interprètes :
Mathilde Seigner, Jean Jacques Vannier, Jean-louis
Loca, Nicole Garcia, Michel Duchaussoy, Jean-Jacques
Vanier, Adina Cartianu, Daniel Cohen, Marie-Claude
Mestral Script : Véronique
Lagrange Cadreur : Olivier Raffet Compositeur : Alexandre
Desplat Directeur de la photographie
: Mathieu Poirot-Delpech Monteuse : Nadine Verdier
Production : Les Films
de la Suane Producteur : Philippe
Rousselet Distribution : EuropaCorp
Distribution Date de sortie : 30
Avril 2003 Durée : 1h 40mn Pays : France Année : 2002