Chacune des versions du film a de multiples interprétations. La première, celle de Don Siegel en 1956, L’invasion des profanateurs de sépulture, peut être lue comme la parabole du maccarthisme, la seconde réalisée par Philip Kaufman, en 1978, comme une fable écologique.

La troisième version du film, réalisée par Abel Ferrara en 1993, peut se lire comme l’isolement presque pathologique de l’adolescent en crise. Contrairement aux personnages des versions précédentes, l’héroïne de Ferrara, Marty, est une adolescente qui prend en charge le récit du film.

Mais  Ferrara inscrit aussi son remake dans des significations contemporaines : en particulier l’après-guerre du Golfe, la guerre bactériologique, le clonage. L’espace du film, avec sa base militaire et son marécage, permet de lire le film dans ce sens-là. Le biologiste Steve Malone, accompagné par sa famille (ses enfants Marty, Andy et sa femme Carol), se rend dans cet espace contaminé qu’est la base militaire pour faire des études sur l’environnement. Le marécage est, dès le début du film, devenu un espace de culture de cosses géantes extraterrestres qui vont être répandues à travers le monde. La présence des Body Snatchers est comme une présence flottante, somnolente, informe qui envahit l’air à la manière d’un virus. La base militaire est un territoire ensemencé et contaminé qui produit des clones, des individus uniformisés par la pensée. La production du double de l’individu se fait à partir d’une graine qui est la même pour tous, c’est la fin de la reproduction sexuée et c’est le règne du « même ». Il n’y a plus de père ni de mère, mais une reproduction infinie et programmée. Le monde extraterrestre ne repose plus sur le principe de reproduction aléatoire du monde humain puisqu’il s’agit avant tout de la race et non plus de l’individu. Les extraterrestres veulent réduire l’humain, l’autre, au même ; ils ne veulent plus de différence entre les êtres, c’est l’uniformisation des êtres et des pensées, c’est l’interchangeabilité des individus, la prolifération de l’identique, un idéal clone.

Mais cette production de corps extraterrestres séduisante et idéale n’est pas qu’un simple élément fantastique, elle a une fonction pour le cinéaste. Il s’agit d’apprendre à voir, à se défaire de l’emprise fascinante des images. Le film de Ferrara aboutit à une réflexion sur la condition du spectateur face aux images et à leurs effets. Il interroge notre fascination pour les images. Il s’adresse au spectateur, à qui il est demandé, comme aux personnages, de rester éveillé pour entrer en état de résistance face à la fascination des images et à la production des clones extraterrestres.

Le Body Snatchers de Ferrara se présente donc comme le grand film américain de science-fiction des années 90. Un film qui, sous ses apparences de production-télé calibrée, s’inscrit contre la voie majoritaire du cinéma américain dans laquelle un déploiement d’effets spéciaux entraîne le spectateur dans une perception assistée, dans un engloutissement par les images.

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Titre : Body Snatchers Réalisateur : Abel Ferrara Acteurs : Terry Kinney, Meg Tilly, Gabrielle Anwar, Reilly Murphy, Billy Wirth   Scénariste : Raymond Cistheri, Larry Cohen, Stuart Gordon, Dennis Paoli, Nicholas St. John Producteur : Robert H. Solo Production : Warner Bros. Distribution : Warner Bros. France Compositeur : Joe Delia Directeur de la photographie : Bojan Bazelli Coproducteur : Michael Jaffe Producteur associé : Kimberly Brent Interdit aux moins de : 12 ans Durée : 1h 27mn Année : 1992 Pays : USA