POINT DE VUE
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Le film s’ouvre sur le personnage
de Trinity - Carrie-Anne Moss - plongeant dans le vide depuis
un building, la caméra la suit, au ralenti pour détailler
chaque partie de son visage. Un homme traverse le mur qu’il
a enfoncé à mains nues, lui-même saute à sa poursuite, des
coups de feu s’ensuivent, ralentis grâce au désormais célèbre
effet « bullet-time », le spectateur aura bien le
temps d’examiner les deux personnages sous tous les angles
possibles. Les effets sont là, avant même que la trame narrative
ne se mette en place, ils sont clinquants, souvent hideux,
presque toujours superflus. Ils rappellent, pour ceux des
spectateurs qui ne le sauraient pas encore, que le premier
épisode de Matrix fut un tel succès au Box Office que
le budget des frères Wachowski a dorénavant explosé. Laides,
ou au meilleur cas de mauvais goût, ces images résument parfaitement
ce qu’est le second épisode de Matrix, un assemblage
pompeux de scènes sans logique, et une accumulation de combats
spectaculaires dont la répétition finira par lasser les plus
enthousiastes.
Matrix Reloaded revient sur l’apprentissage du personnage
de Neo - Keanu Reeves -, et l’exploration d’une dimension
établit par la Matrice, dimension seulement fantasmée et qui
cache un monde dominé par les machines. Cet univers paranoïaque
encourage à de nombreuses lectures. C’est, du moins idéalement,
une fable universelle sur la place de l’Homme dans la société,
face à son désir et à ses frustrations, une attaque frontale
portée à ce monde de consommateurs, en tout point semblable
au nôtre, comme autant d’individus disciplinés et incapables
de contester leur approche de la réalité, un « monde
comme représentation » livré aux cyniques quels qu’ils
soient, tandis que l’être humain a perdu foi en ses propres
capacités, et en son pouvoir.
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Le film des frères Larry et Andy Wachowski
n’atteint cependant jamais la portée du discours « cyberpunk »
de William Gibson ou de Bruce Sterling comme réponse à l’Amérique
Reaganienne, en partie en raison de la surenchère systématique
des effets visuels, du recours trop évident à la technique
qui ne parvient pas à dissimuler l’inanité du scénario,
la pauvreté des dialogues ou l’emploi de publicités à peine
dissimulées pour des marques partenaires, car rarement on
aura pu voir un film aussi volontairement hollywoodien dans
sa construction, dans le peu d’attention apporté à la mise
en scène ou dans la direction des acteurs, jusqu’à une absence
évidente d’esprit. Le film, sans qualité particulière ni
talent, se prolonge dans une succession de scènes laborieuses
où s’enchaînent jusqu’au dernier les poncifs de la science-fiction
et du récit édifiant, montés grossièrement à la suite de
scènes de combats et de considérations navrantes sur l’état
du monde ou l’ambiguïté du concept de réalité. Quant au
développement de l’histoire et des aventures de Neo et de
ses compagnons, Matrix Reloaded en finit définitivement
avec l’intention de scénario du premier épisode, les personnages
voient leur caractère considérablement appauvri, ils entrent
et sortent du cadre sans raison apparente, donnent quelques
coups de pieds avant de disparaître pour peut-être un quart
de l’action.