VIENS VITE AU FOND DE LA PISCINE…
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L’introduction du film rappelle celle
de Sous le sable dans lequel la même Charlotte Rampling
incarnait une veuve qui n’arrivait pas à faire le deuil de
son mari. Dans la première scène de Swimming Pool (celle
du métro), une inconnue croise le regard de Sarah Morton.
Cette dernière prétend ne pas être cette femme (l’écrivain),
alors que c’est faux. En une simple séquence, on connaît la
personnalité de Sarah : elle est à la fois froide, sèche et
aigrie. Elle écrit des romans policiers palpitants et tortueux,
mais se consacre uniquement à l’écriture et ne cherche aucune
autre forme d’épanouissement qu'elle soit affective ou sexuelle.
C’est principalement ce que va lui reprocher Julia, la fille
extravertie de son éditeur, qui va débarquer un soir, en pleine
nuit, pensant ne trouver personne dans cette maison esseulée
du Lubéron. L’exposition, volontairement prosaïque, est consacrée
à l’arrivée de Sarah dans la villa. Les scènes, étirées et
silencieuses, laissent pourtant soupçonner des trésors d’ambiguïté
sous la placidité ambiante.
Un peu à la manière du rat dans Sitcom, la piscine,
élément central du film, est le lieu qui sert ici de révélateur
des pulsions et des désirs refoulés. Swimming Pool est
construit en trois parties : la première consiste à montrer
l’adaptation de l’écrivain au paysage et à la maison ; la
seconde sonde les relations entre les deux femmes ; et la
dernière multiplie les situations étranges et les apparitions
énigmatiques qui laissent à penser que tout n’est pas aussi
calme qu’il n’y paraît. En ce qui concerne les deux protagonistes
féminins, tout fonctionne sur le contraste : Morton s’enferme
avec son ordinateur, déconnectée de la réalité, tandis que
Julia est ouverte au monde, épicurienne, avenante et vive.
Ces descriptions manichéennes (la « coincée » et la « bimbo
») servent à appuyer la complémentarité des deux personnages,
dont la rencontre sera explosive puisque bénéfique pour chacune.
Le cinéaste s’amuse à observer les rapports de force entre
ces deux femmes qui, tour à tour, se disputent, se manipulent,
s’aiment. Entre elles se tisse un lien indéfectible fondé
sur un secret commun que le spectateur ne découvre explicitement
que dans un épilogue surprenant, intensifié par une musique
délicieusement lancinante et des images qui parcourent longtemps
l’esprit après la projection.
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Mais le sixième long de François Ozon
ne se résume pas à un coup de théâtre final intelligent
et plutôt complexe, qui laisse à penser que Sarah a retrouvé
le goût de la vie et même le sourire (contrepoids avec la
grise mine de la scène du train) grâce à Julia. L’intérêt
de ce Swimming Pool réside ailleurs : du passage
progressif de la banalité à l’angoisse. Cette gradation,
aussi banale qu’elle puisse paraître, donne pourtant lieu
à un thriller original et érotique, cérébral et drôle.
On peut faire économie de l’analyse mais les aficionados
de la première heure, peut-être déçus par le pourtant excellent
Huit Femmes, seront certainement ravis par les références
sous-jacentes aux autres films du cinéaste et sensibles
au fait qu’Ozon semble renouer avec l’atmosphère intrigante
qui faisait le charme de ses premières fictions. Dans une
scène, par exemple, Sarah expose ses seins en plein air
de la même façon qu'Alice (Natacha Régnier) derrière une
fenêtre dans Les Amants Criminels. Cette figure traduit
une influence Bunuelienne évidente, qui est sur le point
de devenir récurrente. Il y a également une scène de danse
délirante sur de la musique techno dont la drôlerie évoque
celles de Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Une
robe en été et Sitcom.