Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Haute Tension (c) D.R. HAUTE TENSION
D’Alexandre Aja
Par Romain LE VERN


SYNOPSIS : Marie, une étudiante de vingt ans, révise ses examens dans la ferme isolée des parents de sa meilleure amie. En l'espace d'une nuit, un tueur, qui ignore son existence, assassine à tour de rôle les membres de cette famille...

....................................................................

IL NE PEUT PLUS RIEN NOUS ARRIVER D'AFFREUX MAINTENANT...

 

  Haute Tension (c) D.R.

Dans le début des années 60, Hershell Gordon Lewis a inventé le gore avec deux films conséquents : Blood Feast et 2000 Maniacs. En France, on n’a pas connu le même essor qu’aux Etats-Unis malgré un essai honorable avec le Baby Blood d’Alain Robak en 1989. Depuis, plus rien. Afin de rendre hommage aux slasher movies qui ont hanté son adolescence, Alexandre Aja s’est mis dans en tête de réaliser un film puissant et efficace qui pourrait bien rejoindre les joyaux du genre. Mais il ne faut pas oublier qu’Alexandre Aja n’a que vingt-quatre ans, beaucoup d’idées en tête et déjà un premier long-métrage à son actif (Furia), qui ne nous avait pas convaincus. Haute tension, son second, vaut bien mieux à tous points de vue, même si on peut discuter sa pertinence.

Marie et Alex sont deux amies qui vont passer un week-end dans la maison isolée des parents de cette dernière pour réviser les examens. Alors qu’elles arrivent en voiture et qu’elles chantent à tue-tête le Sala Perque Ti Amo de Ricci e Poverti, on peut d’ores et déjà apercevoir, à l’autre bout du champ qu'elles traversent, un tueur qui - déjà - rode. Le cadre (un lieu isolé) et la solide scène d’exposition sont des arguments propices à une gradation de la banale réalité à l’angoisse la plus sauvage. Toutes les scènes qui se passent dans la maison et/ou dans les alentours (champs, balançoires, voiture, station-essence…) sont de brillants morceaux d’épouvante intensifiés par un travail sur le son absolument remarquable.

Haute Tension (c) D.R.

L’arrivée du tueur dans la maison est judicieusement placée au moment où Marie s’adonne au plaisir de l’onanisme. Comme si elle l’avait appelé, pour ne pas dire « provoqué », un peu comme le personnage d’Anaïs dans A ma sœur ! de Catherine Breillat, qui était la seule à pouvoir prédire dans l’épilogue la venue d’un tueur en série « fantasmé », à la fois libérateur de ses fantasmes inavoués et vengeur de ses complexes et de ses humiliations quotidiennes. Le parallèle n’est pas innocent : comme les deux sœurs du film de Breillat, les deux amies ici sont différentes et reposent sur des caractères distincts : Alex est féminine, sensuelle, charismatique tandis que Marie est masculine, pas épanouie, stressée. Son attirance pour le corps d’Alex traduit son homosexualité latente, sous-entendue au départ par un célibat de trop longue date. Alex lui fait remarquer qu’à vingt ans, il n’est pas normal qu’elle soit encore seule, mais elle ne réalise apparemment pas que Marie éprouve des sentiments équivoques à son égard, et peut-être même plus…

Outre l’inquiétante présence du tueur, on est déjà troublé par les rapports entre ces deux adolescentes qui ne connaissent pas encore leur penchant sexuel. Mais Aja n’a pas envie de faire un grand film sur l’adolescence qui autopsie les détresses intimes de personnages fâchés avec le désir. Lui, veut « en mettre plein la vue au spectateur ». Pendant près d’une heure, avec des rebondissements légers et crédibles pimentés d’hémoglobine et de frayeur, Aja nous trimballe dans une descente aux enfers radicale qui ressemblerait presque à notre pire cauchemar. On se surprend même à vraiment avoir très peur et à se sentir très mal à l’aise.